N° 1710 _______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er juillet 2004. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ sur la Constitution européenne, ET PRÉSENTÉ par M. Pierre LEQUILLER, Député. _______________________________________________________________ (1) La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin. SOMMAIRE _____ Pages AVANT-PROPOS DE M. PIERRE LEQUILLER, Président de la Délégation pour l'Union européenne, ancien membre titulaire de la Convention européenne 9 AVANT-PROPOS DE M. JACQUES FLOCH, Député, ancien membre suppléant de la Convention européenne 13 PREMIERE PARTIE : LA CONFIRMATION DES PRINCIPAUX ACQUIS DE LA CONVENTION 17 I. LE RESPECT DES EQUILIBRES DU PROJET ELABORE PAR LA CONVENTION 19 A. Le préambule et l'absence de référence aux valeurs chrétiennes 19 1) L'absence de référence aux valeurs chrétiennes 19 2) La suppression de la citation de Thucydide 20 1) Une présidence stable du Conseil européen 21 2) La désignation du Président de la Commission 23 3) Le ministre européen des affaires étrangères 23 1) La classification des compétences 26 2) La clause de flexibilité 27 3) L'instauration d'un mécanisme de contrôle du respect du principe de subsidiarité 27 F. Une meilleure prise en compte du rôle des parlements nationaux 28 1) Les deux protocoles sur le rôle des Parlements nationaux et sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité 28 2) Les autres dispositions de la Constitution relatives à l'association des parlements nationaux 29 G. La simplification des instruments et des procédures 30 1) La réduction du nombre d'instruments juridiques 30 2) La généralisation de la « procédure législative européenne » 31 H. La confirmation d'un droit d'initiative populaire 33 I. La clause de solidarité 33 J. La clause de retrait volontaire de l'Union 34 II. LES COMPLEMENTS ET PRECISIONS APPORTEES PAR LA CONFERENCE INTERGOUVERNEMENTALE 35 A. Les valeurs de l'Union 35 1) La mention expresse de l'égalité entre les femmes et les hommes 35 2) Le respect du droit des personnes appartenant à des minorités 36 3) La protection et le bien-être des animaux 37 B. Les objectifs de l'Union 37 C. L'égalité des Etats membres devant la Constitution 38 D. L'ajout de nouveaux domaines d'action 38 E. La portée de la primauté du droit de l'Union 40 F. La constitutionnalisation de la Charte des droits fondamentaux 41 G. Les services d'intérêt général 42 H. La sauvegarde de l'exception culturelle dans le cadre de la politique commerciale commune 42 I. Les Territoires d'Outre-Mer 43 SECONDE PARTIE : LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTEES AU PROJET ELABORE PAR LA CONVENTION 45 I. LES TERMES DU NOUVEAU COMPROMIS INSTITUTIONNEL 47 1) Le relèvement des seuils 49 2) La définition d'une minorité de blocage 50 3) L'introduction d'un mécanisme de « Ioannina » 51 a) La suppression du Conseil législatif 52 b) Le maintien de la présidence tournante pour les formations sectorielles du Conseil 53 E. Le régime juridique des coopérations renforcées 54 1) La décision de recourir à une coopération renforcée 54 2) L'application de la « clause passerelle » à l'intérieur des coopérations renforcées 56 F. La procédure budgétaire 56 1) Concernant les ressources propres 56 2) Concernant les dépenses : le rééquilibrage des pouvoirs entre le Parlement européen et le Conseil dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle 58 G. La procédure de révision de la Constitution 60 1) La procédure ordinaire de révision s'appliquant à toutes les parties de la Constitution 60 a) Une procédure lourde : la convocation d'une Convention puis d'une Conférence intergouvernementale 60 b) Une procédure allégée pour les révisions ne justifiant pas la convocation d'une Convention 61 2) Une procédure simplifiée pour la modification des dispositions relatives aux politiques et actions internes de l'Union 61 3) La clause passerelle : le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée et de la procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire 62 II. LA LIMITATION DU CHAMP DE LA MAJORITE QUALIFIEE 65 A. Les clauses de « frein » et d'« accélérateur » prévues dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale 65 B. Le maintien de l'unanimité dans le domaine fiscal 66 C. L'instauration d'une « clause d'appel » dans le domaine de la sécurité sociale 66 D. Le maintien de l'unanimité pour l'adoption du cadre financier pluriannuel 67 III. LA DEFINITION ET LES MODALITES DE MISE EN ŒUVRE DES POLITIQUES DE L'UNION 69 A. La politique sociale 69 1) L'instauration d'une clause sociale transversale 69 2) La constitutionnalisation du sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi 70 B. L'espace de liberté, de sécurité et de justice 71 1) Eurojust et le Parquet européen 71 2) La dérogation supplémentaire accordée au Royaume-Uni et à l'Irlande 72 C. La gouvernance économique 72 1) Les dispositions propres aux Etats membres de la zone euro 72 2) L'adhésion de nouveaux pays à l'euro 73 3) La déclaration sur le Pacte de stabilité et de croissance 73 4) Les mesures relatives aux déficits excessifs 74 D. La politique de sécurité et de défense commune 74 1) Les précisions apportées à la clause de défense mutuelle 75 2) Le régime juridique de la « coopération structurée permanente » 76 3) Les objectifs de la coopération structurée permanente : une étape supplémentaire vers une défense intégrée (protocole sur la coopération structurée permanente) 76 · Réunion du mardi 25 mai 2004 : audition de M. Pierre Sellal, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne 81 · Réunion du mardi 1er juin 2004 : audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères 93 · Réunion du mardi 22 juin 2004 : audition de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen de Bruxelles des 17 et 18 juin 2004 101 ANNEXES 117 Annexe 1 : Compte rendu de la mission effectuée au Danemark par M. Guy Lengagne, les 7 et 8 mars 2004, sur le suivi de la Conférence intergouvernementale 119 Annexe 2 : Constitution européenne 127 AVANT-PROPOS DE M. PIERRE LEQUILLER, Le 18 juin 2004, les chefs d'Etat et de gouvernement ont conclu un accord sur la Constitution européenne. Cette date, pour le moins symbolique, restera gravée dans l'histoire de la construction d'une Europe unie. Elle marque la naissance de l'Europe politique et d'une ambition commune au service de 450 millions de citoyens. A Bruxelles, les dirigeants de l'Union ont pris la mesure de leurs responsabilités, quelques jours seulement après des élections européennes marquées par un taux d'abstention élevé et particulièrement préoccupant dans les nouveaux pays membres. L'Europe est souvent mal comprise et mal aimée, en quête d'une vision et d'un projet fédérateur. Les querelles de pouvoir ont assez duré soulignant que nous avons plus que jamais besoin, en Europe, d'institutions stables et pérennes au service de politiques ambitieuses. L'Europe du XXIe siècle ne pourra plus avancer masquée. L'accord du 18 juin est une étape historique, mais une étape seulement, dans le cadre du processus lancé en décembre 2001 lorsque les dirigeants européens ont adopté la Déclaration de Laeken qui a posé en termes clairs une série de questions fondamentales pour l'avenir de l'Union : comment renforcer la capacité d'impulsion de l'Union et donner un leadership et un visage à l'Europe ? Selon quelles règles répartir les compétences entre l'Union et les Etats membres ? Comment simplifier et rendre compréhensible l'Europe auprès des citoyens ? Par quels moyens rapprocher l'Europe des peuples et améliorer son fonctionnement démocratique ? En d'autres termes, cette Déclaration traçait la voie vers une Constitution de l'Union avec la convocation d'une Convention que Valéry Giscard d'Estaing saura présider avec brio. Ce fut une aventure politique et humaine passionnante : pendant dix sept mois, du 28 février 2002 au 18 juillet 2003, la Convention a travaillé à écrire la première Constitution de l'Europe. J'ai eu l'honneur d'y représenter l'Assemblée nationale et nous avons toujours gardé à l'esprit cette question essentielle : l'Europe, pour quoi faire ? Au cours de son existence, la Convention a traversé plusieurs épreuves, dont la plus difficile fut la division des Européens sur la guerre en Irak. A aucun moment pourtant, nous n'avons dévié des objectifs communs à l'immense majorité des conventionnels : bâtir l'Europe pour assurer la sécurité des peuples, promouvoir nos valeurs dans un monde toujours plus incertain, soutenir une croissance économique durable et respectueuse de l'environnement dans le contexte de la mondialisation ; en d'autres termes, construire et transmettre un patrimoine aux générations futures. La Conférence intergouvernementale s'est ouverte à Rome le 4 octobre 2003 dans un climat d'incertitude, parfois de défiance, marqué par l'opposition de deux pays, l'Espagne et la Pologne, au compromis institutionnel que proposait la Convention. L'échec retentissant du Conseil européen du 13 décembre 2003 allait plonger l'Union dans le doute et l'avenir de la Constitution semblait bien compromis. C'est une nouvelle fois dans l'épreuve que les Européens se sont rassemblés et les attentats tragiques de Madrid ont relativisé les querelles institutionnelles. Grâce à l'habileté de la présidence irlandaise, et en particulier à celle de M. Bertie Ahern à qui je souhaite rendre hommage, les Vingt-cinq ont progressé dans la voie d'un accord acceptable par tous. La Constitution adoptée le 18 juin représente le meilleur compromis possible au regard des positions exprimées par les uns et par les autres. Valéry Giscard d'Estaing s'est d'ailleurs réjoui de constater que la Conférence intergouvernementale a repris à son compte 90% du projet de la Convention. La Constitution comporte des avancées sans précédent notamment en termes de démocratisation et d'efficacité de l'architecture institutionnelle, grâce à une plus grande capacité décisionnelle. L'Europe a toujours avancé. La Constitution du 18 juin est un excellent texte ; elle n'est ni de droite, ni de gauche : elle est le reflet de la diversité qui caractérise vingt-cinq pays qui veulent mettre en commun ce qu'ils ont de meilleur. Certains progrès sensibles ont été réalisés par rapport au texte de la Convention, notamment en matière sociale avec l'instauration d'une clause sociale transversale et la constitutionnalisation du sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi. Ce rapport d'information n'a pas vocation à présenter de façon exhaustive le contenu de la Constitution ; le lecteur pourra se référer au rapport publié l'an dernier par la Délégation pour l'Union européenne(1) à l'issue des travaux de la Convention. L'objet du présent document vise en revanche à souligner les changements apportés par la Conférence intergouvernementale au projet initial élaboré par la Convention. La version consolidée provisoire(2) de la Constitution figure intégralement en annexe du rapport. AVANT-PROPOS DE M. JACQUES FLOCH, Malgré tout, ce sera Oui ! C'est parti ! Le débat sur l'avenir de la construction européenne va enfin commencer dans notre pays. Ceux qui ont travaillé sur la proposition de Traité constitutionnel à la Convention en 2002 et 2003 attendaient avec impatience les résultats des travaux des chefs d'Etat et de gouvernement. Qu'allaient-ils faire ? Des propositions, des réflexions ? Tout serait-il à refaire, à reconstruire ? Avancées, reculs, chacun en discute, en dispute aujourd'hui, trop souvent de manière péremptoire : il n'y avait rien de bon dans la « Constitution Giscard » ! Qu'en reste-t-il aujourd'hui si l'on entend les commentaires « bien informés » ? Le texte définitif sera formellement signé à l'automne par les dirigeants européens : « un socle fragile, en deçà des ambitions initiales, une Europe minimale, ce n'est pas la grande aventure historique attendue, accord à l'arraché, une cote mal taillée, un texte qui grave dans le marbre l'idéologie libérale, insulte historique à la démocratie, abdication de l'indépendance nationale, une douche froide... ». Il ne faut plus en jeter, la cour est pleine ! Cette surabondance de qualificatifs négatifs, voire hostiles, est une sorte de pression intellectuelle sur tous ceux qui seraient tenter de faire une autre analyse, ceux qui par exemple diraient : « malgré tout : oui !... » : - oui pour les avancées institutionnelles, c'est-à-dire leurs simplifications, auxquelles il faut ajouter une meilleure clarté démocratique ; - l'élection par les chefs d'Etat et de gouvernement du Président du Conseil européen pour 30 mois ; - l'élection du Président de la commission par le parlement européen, ainsi se dégagera clairement une majorité et une opposition ; - un parlement, véritable législateur d'autant que les directives européennes deviennent des lois ; - la majorité qualifiée élargie ; - la proposition populaire : un million d'européens pourront proposer une résolution, un texte de loi ; - oui pour l'introduction de la Charte des droits fondamentaux (deuxième partie du texte). Que chacun en relise le contenu, c'est l'ensemble des droits politiques, économiques, sociaux, civils acquis chèrement aux cours des siècles par les Européens qu'ils trouveront gravés dans le marbre ; - oui parce que l'histoire de l'Europe unie ne s'arrête pas à ce Traité constitutionnel comme elle ne s'est pas arrêtée au Traité de Rome, de Maastricht ou plus récemment au dévastateur Traité de Nice sur lequel l'Europe va vivre jusqu'en 2009, 2014. La grande aventure de la construction européenne est loin d'être terminée, son seul, son véritable objectif est autre chose qu'un grand marché, que des harmonisations, aussi souhaitables des différentes législations nationales. Cette autre chose, c'est la création d'un espace de libertés, de démocratie, de progrès social, de prospérité intéressant aujourd'hui 450 millions de femmes, d'hommes, d'enfants. Nos concitoyens qui vivent en paix seront un exemple pour le monde. La paix, un bien particulièrement sensible, absent pour plus d'un quart de l'humanité ; ceux qui n'ont pas connu l'état de guerre ne peuvent savoir combien elle est intensément espérée par ceux qui en sont privés, pourtant, ils devraient constamment soutenir l'idée que la paix est la source principale de la prospérité collective. On peut (encore) dire oui pour des sujets plus pragmatiques telles que les coopérations renforcées (rien n'empêchera des Etats à aller plus vite et plus loin), l'autonomie de la zone euro dès lors que seuls les Etats membres de l'eurogroupe auront à discuter de leur politique économique, ou tout simplement le droit de retrait d'un Etat. La Convention, la Conférence intergouvernementale et le Conseil européen ont fait leur travail ; la phase de débat avec les peuples est maintenant ouverte. Dans la Constitution, tout est discutable et a été discuté, mais le dernier mot doit rester aux peuples, aux nations de l'Europe unie. Dans notre pays, seul un référendum est une demande acceptable. Encore faut-il que chacun fasse convenablement, honnêtement, démocratiquement son devoir. Ainsi, on ne votera pas pour ou contre Jacques Chirac et son gouvernement, on ne votera pas pour ou contre les oppositions. On ne votera pas pour ou contre l'Europe, l'idée d'Europe étant multiple. On votera pour ou contre un Traité constitutionnel qui apparaîtra comme un élément constructif de l'Europe ou son contraire. Dans l'état de mes connaissances aujourd'hui du texte qui nous sera proposé, pour moi : « malgré tout, ce sera oui ! » PREMIERE PARTIE : L'accord conclu le 18 juin 2004 par les chefs d'Etat et de gouvernement préserve les équilibres essentiels du projet élaboré par la Constitution. Qu'il s'agisse de la création d'un Président stable du Conseil européen, d'un ministre européen des affaires étrangères, de la simplification des instruments et des procédures ou encore des dispositions relatives à la vie démocratique de l'Union, la Conférence intergouvernementale a confirmé les choix opérés par la Convention. Sur un certain nombre d'articles, les gouvernements ont apporté des modifications qui viennent préciser ou compléter le projet de la Convention. Globalement, les consensus qui se sont formés au sein de la Convention, notamment dans le cadre des différents groupes de travail, n'ont pas été remis en cause par la Conférence intergouvernementale (CIG). Nombreux sont en effet les sujets sur lesquels la CIG a repris à son compte les propositions de la Convention. Un exemple significatif est celui du clivage sur la référence aux valeurs chrétiennes où la CIG n'a pu que constater l'absence de consensus pour finalement se rallier au compromis formulé par la Convention. Innovation essentielle au regard des traités antérieurs, la Constitution est précédée d'un Préambule, qui développe les références fondamentales de l'Union et se réfère aux « héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe ». La Conférence intergouvernementale a ajouté une référence à la réunification de l'Europe, marquée par l'élargissement historique du 1er mai 2004 à dix nouveaux pays, rappelant que l'Europe est « désormais réunie au terme d'expériences amères ». Le préambule reprend explicitement la référence à une Union « sans cesse plus étroite » qui figure en tête des deux traités actuels. Une phrase est également ajoutée par rapport au projet de la Convention pour garantir la succession des traités et la continuité juridique de l'acquis communautaire. 1) L'absence de référence aux valeurs chrétiennes La question d'une référence ou non aux valeurs ou à l'héritage chrétien de l'Europe a été un serpent de mer des négociations sur la Constitution européenne. A moins d'un mois du Conseil européen des 17 et 18 juin 2004, sept pays de l'Union (Italie, Lituanie, Malte, Pologne, Portugal, République tchèque et Slovaquie) l'avaient à nouveau officiellement souhaité. Malgré ces demandes répétées, le préambule ne comporte finalement aucune référence à la chrétienté, et le compromis constaté au sein de la Convention est ainsi préservé même si jusqu'au dernier moment, la Pologne a souhaité l'inscription d'une référence à Dieu ou aux racines chrétiennes, prenant pour modèle sa propre Constitution du 2 avril 1997 qui énonce que « tous les citoyens de la République, autant ceux qui croient en Dieu, source de la vérité, de la justice, de la bonté et de la beauté, que ceux qui ne partagent pas cette foi et qui puisent ces valeurs universelles dans d'autres sources [sont] égaux en droits et en devoirs envers la Pologne ». Or la présidence irlandaise a dû constater l'absence de consensus sur cette question. L'Espagne qui était favorable à une référence aux valeurs chrétiennes sous le gouvernement conservateur de M. José Maria Aznar, ne l'était plus sous le gouvernement socialiste de M. José Luis Rodriguez Zapatero. Quant à la Belgique et à la France, elles se sont toujours opposées à une telle référence, difficilement conciliable avec le principe de laïcité. 2) La suppression de la citation de Thucydide « Notre Constitution...est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d'une minorité, mais du plus grand nombre ». Thucydide II, 37 Cette citation de l'historien de l'Antiquité grecque Thucydide, auteur de la « Guerre du Péloponnèse », a finalement été retirée malgré l'insistance de la Grèce et de Chypre en faveur de son maintien. Plusieurs pays membres auraient fait valoir que cette citation se référait au seul critère démographique alors que la construction européenne repose également sur une Union d'Etats, tous égaux entre eux. B. Les signes de l'Union (article I-6 bis)(3) La Convention avait décidé, lors de sa dernière session plénière, d'inscrire dans la Constitution les signes de l'Union. Ayant déjà transmis au Conseil européen la partie I de la Constitution, l'article sur les signes de l'Union figurait artificiellement dans la partie IV sur les dispositions générales et finales. La Conférence intergouvernementale a corrigé cette incohérence et les signes de l'Union figurent désormais à l'article 6 bis de la partie I. Il s'agit de : - son drapeau (un cercle de douze étoiles d'or sur fond bleu) ; - son hymne (l'Ode à la Joie de la Neuvième Symphonie de Beethoven) ; - sa devise (Unie dans la diversité) ; - sa monnaie (l'euro) ; - sa journée (le 9 mai). 1) Une présidence stable du Conseil européen (article I-21) La suppression de la présidence semestrielle du Conseil européen, et son remplacement par un Président stable élu pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une fois est l'une des principales innovations de la Constitution européenne que la Conférence intergouvernementale n'a, à aucun moment, envisagé de remettre en cause. Dans une Union composée de 25 membres et plus, la présidence tournante tous les six mois perd en effet de sa pertinence (un Etat présiderait l'Union au mieux une fois tous les 12 ans et demi...) et nuit à l'émergence d'un leadership européen. Le Président du Conseil européen sera un président à temps plein, en raison de l'interdiction d'un cumul avec un mandat national. Il n'existe en revanche, en théorie, aucune incompatibilité avec l'exercice d'une autre fonction européenne, ce qui pourrait un jour permettre la désignation d'un Président unique de l'Union, coiffant la présidence du Conseil européen et celle de la Commission(4). Le Conseil européen devient une institution à part entière(5), qui adopte des décisions et peut voter, et dont les actes sont susceptibles d'un contrôle par la Cour de justice. Les attributions du Conseil européen ne sont pas modifiées par rapport aux traités actuels, la Constitution précisant explicitement qu'il n'a pas de rôle législatif. La définition que donne la Constitution du rôle du Président correspond largement à la pratique actuelle. Il a pour fonction : - d'assurer à son niveau et dans sa qualité la représentation extérieure de l'Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, sans préjudice des compétences du ministre des affaires étrangères de l'Union ; - de présider et d'animer les travaux du Conseil européen, comme le faisait le chef d'Etat ou de gouvernement qui assurait la présidence semestrielle de l'Union ; - d'œuvrer en faveur de la recherche du consensus entre les Etats membres ; - de dialoguer avec les autres institutions : il est, à ce titre, chargé de remettre le rapport du Conseil européen devant le Parlement européen après chacune de ses réunions. 2) La désignation du Président de la Commission (article I-26) La Conférence intergouvernementale a confirmé les dispositions contenues dans le projet de la Convention relatives aux modalités de désignation du Président de la Commission européenne. Alors que le traité actuel prévoit qu'il est désigné par le Conseil européen puis soumis à l'approbation du Parlement européen, la Constitution énonce désormais que la proposition du Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, doit tenir compte des élections au Parlement européen. Le candidat proposé par le Conseil européen - après qu'il ait été procédé aux consultations appropriées, c'est-à-dire avec le Parlement européen - doit être élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent. Si tel n'est pas le cas, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose dans le délai d'un mois un nouveau candidat qui devra être élu par le Parlement européen selon la même procédure. 3) Le ministre européen des affaires étrangères (article I-27) La Constitution créée un ministre des affaires étrangères de l'Union à « double casquette », réunissant les fonctions de Haut représentant et de Commissaire chargé des relations extérieures qu'il devra exercer selon les procédures propres à chaque domaine. Il est l'un des vice-présidents de la Commission. Le ministre des affaires étrangères de l'Union est nommé et révoqué par le Conseil européen statuant à la majorité qualifiée, avec l'accord du Président de la Commission. Il est soumis, avec le reste du collège des commissaires, à un vote d'approbation par le Parlement européen, qui peut le démettre des fonctions qu'il exerce au sein de la Commission en adoptant une motion de censure contre ce même collège. Il doit également démissionner si le Président de la Commission le propose, et si le Conseil européen, d'un commun accord avec le Président de la Commission, le décide. Le ministre des affaires étrangères préside le Conseil des affaires étrangères de l'Union. Il a pour missions de conduire la politique étrangère et de sécurité commune, de contribuer à son élaboration et de l'exécuter en tant que mandataire du Conseil ; il agit de même en ce qui concerne la politique de sécurité et de défense. Au sein de la Commission, il est chargé des responsabilités qui incombent à celle-ci dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l'action extérieure de l'Union. Dans l'accomplissement de son mandat, il s'appuie sur un service européen pour l'action extérieure, composé de fonctionnaires du Secrétariat général du Conseil, de la Commission ainsi que de personnels détachés des services diplomatiques nationaux. La CIG a précisé que l'organisation et le fonctionnement de ce service européen pour l'action extérieure sont fixés par une décision européenne du Conseil, sur proposition du ministre des affaires étrangères et non de la Commission. Cette décision européenne du Conseil nécessite toutefois l'approbation de la Commission et la consultation du Parlement européen. Une déclaration annexée, ajoutée par la CIG, prévoit que les travaux préparatoires relatifs à la création de ce service européen pour l'action extérieure commenceront dès la signature de la Constitution. Président du Conseil « Affaires étrangères » et simultanément vice-président de la Commission, le ministre des affaires étrangères dispose d'un droit d'initiative. Conformément au projet de la Convention, le Conseil statue à la majorité qualifiée « lorsqu'il adopte une décision européenne qui définit une action ou une position de l'Union sur proposition du ministre des Affaires étrangères de l'Union présentée à la suite d'une demande spécifique que le Conseil européen lui a adressée de sa propre initiative ou de celle du ministre ». La Constitution prévoit trois autres cas où le Conseil, par dérogation à l'unanimité requise dans le domaine de la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC), statue à la majorité qualifiée : - lorsqu'il adopte une décision européenne qui définit une action ou une position de l'Union sur la base d'une décision européenne du Conseil européen portant sur les intérêts et objectifs stratégiques de l'Union ; - lorsqu'il adopte une décision européenne mettant en œuvre une décision européenne qui définit une action ou une position de l'Union ; - lorsqu'il adopte une décision européenne portant sur la nomination d'un représentant spécial. La Constitution invite le ministre des affaires étrangères à rechercher les consensus. En effet, si un membre du Conseil déclare que, pour des raisons de politique nationale vitales et qu'il expose, il a l'intention de s'opposer à l'adoption d'une décision européenne devant être adoptée à la majorité qualifiée, il n'est pas procédé au vote. Le ministre des Affaires étrangères de l'Union doit alors rechercher, en étroite consultation avec l'Etat membre concerné, une solution acceptable pour celui-ci. Une clause d'appel au Conseil européen peut, le cas échéant, être activée puisqu'en l'absence de résultat, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut demander que le Conseil européen soit saisi de la question en vue d'une décision européenne à l'unanimité. Si la Communauté européenne (CE) bénéficie actuellement de la personnalité juridique (article 281 TCE), les dispositions des traités restent ambiguës quant à la personnalité juridique de l'Union (UE). La Constitution reconnaît donc explicitement cette personnalité juridique. Il s'agit cependant d'une confirmation plus que d'un véritable changement, l'Union européenne s'étant déjà vu reconnaître le pouvoir de conclure des accords internationaux avec des pays tiers (tels ceux conclus entre l'Union et les Etats-Unis, le 25 juin 2003, en matière d'extradition et d'entraide judiciaire). Ainsi, la simplification des traités peut se faire à travers la fusion dans un texte
unique et une personnalité morale unique La clarification de la répartition des compétences était un point central du mandat de la Convention, et figurait parmi les quatre questions posées par la Déclaration sur l'avenir de l'Union, annexée au traité de Nice. La Déclaration de Laeken, adoptée en décembre 2001, dégageait également un certain nombre de pistes de réflexion vers une clarification du système actuel. 1) La classification des compétences (article I-11) La Conférence intergouvernementale n'est pas revenue sur la classification des compétences envisagée dans le projet élaboré par la Convention, et la Constitution reprend le principe selon lequel « toute compétence non attribuée à l'Union dans la Constitution appartient aux Etats membres ». Dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, la Constitution présente désormais une liste des compétences organisées selon trois catégories : - les compétences exclusives (article I-12) ; - les compétences partagées (article I-13) ; - les actions d'appui, de coordination ou de complément (article I-16). A côté des compétences de l'Union relevant de ces trois catégories, la Constitution traite à part, et sans changement sur le fond (en termes de compétences), par rapport aux traités actuels, les compétences de coordination de l'Union en matière économique(7) (en ajoutant toutefois explicitement les politiques de l'emploi), et les compétences de l'Union dans le domaine de la politique étrangère et de la défense(8). Par ailleurs, la Constitution officialise la « méthode ouverte de coordination », en particulier dans le domaine social, de la recherche, de la santé publique et de l'industrie. 2) La clause de flexibilité (article I-17) La Constitution maintient la clause de flexibilité qui, sous sa forme actuelle (article 308 TCE) autorise une action de la Communauté alors même que le traité n'a pas prévu les pouvoirs d'action requis, dès lors que cette action « apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté ». La Constitution propose une formulation plus large, qui ne fait plus référence au fonctionnement du marché intérieur et ne s'applique plus seulement aux questions relevant du « pilier » communautaire. Les nouvelles dispositions de l'article I-17 de la Constitution s'appliquent ainsi à l'ensemble des objectifs et des politiques de l'Union. En revanche, la Constitution rend plus contraignante la procédure de recours à cette flexibilité en la soumettant à l'information préalable des parlements nationaux et à l'approbation (et non plus l'avis) du Parlement européen. 3) L'instauration d'un mécanisme de contrôle du respect du principe de subsidiarité Afin de contrôler que l'Union n'intervienne pas dans des domaines où elle n'est pas compétente, un protocole annexé à la Constitution prévoit un mécanisme de contrôle du respect du principe de subsidiarité, confié aux parlements nationaux. Il s'agit d'un contrôle politique ex ante qui peut se doubler d'un contrôle juridictionnel ex post. La Commission européenne sera désormais dans l'obligation de motiver systématiquement ses propositions législatives au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Chaque parlement national (et chaque chambre dans le cas des parlements bi-caméraux) pourra, dans le délai de six semaines à compter de la réception de la proposition législative, émettre un avis motivé contenant les raisons pour lesquelles la proposition en cause serait considérée comme non conforme au principe de subsidiarité. Au cas où au moins un tiers des parlements nationaux(9) (un quart s'agissant des propositions législatives relatives à l'espace de liberté, de sécurité et de justice) émettraient un avis motivé sur le non-respect du principe de subsidiarité, la Commission sera tenue de procéder à un réexamen et pourra alors décider soit de maintenir sa proposition, soit de la modifier, soit de la retirer. Un second contrôle, de nature juridictionnelle, est également possible, après l'entrée en vigueur d'un acte européen. Les parlements nationaux, par l'intermédiaire de leurs gouvernements respectifs et le Comité des Régions - pour les actes pour lesquels la Constitution prévoit sa consultation - auront la possibilité de saisir la Cour de justice de l'Union européenne. 1) Les deux protocoles sur le rôle des Parlements nationaux et sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité La Constitution permettra à l'avenir une implication plus importante dans la construction européenne. De nombreuses dispositions, proposées par la Convention et confirmées par la Conférence intergouvernementale, l'attestent. Outre le rôle des parlements nationaux dans le contrôle du respect du principe de subsidiarité (cf. infra), un second protocole renforce sensiblement leur droit à l'information puisqu'ils seront désormais directement destinataires de l'ensemble des documents de consultation de la Commission (livres verts, livres blancs et communications) ainsi que de tous les projets d'actes législatifs, qu'ils émanent de la Commission ou d'un groupe d'Etats membres. Cette transmission directe signifie que les parlements nationaux recevront désormais directement les textes des institutions européennes sans que ceux-ci transitent par l'intermédiaire des gouvernements nationaux. La transparence des travaux du Conseil de l'Union, lorsqu'il délibère sur des projets d'actes législatifs européens, est également renforcée dans la mesure où les ordres du jour et les procès verbaux des réunions seront transmis directement aux parlements nationaux, en même temps qu'aux gouvernements des Etats membres. Par ailleurs, la Constitution reprend l'exigence déjà en vigueur depuis le traité d'Amsterdam selon laquelle un délai de six semaines doit être observé entre le moment où un projet d'acte législatif est transmis aux parlements nationaux et la date à laquelle il est inscrit à l'ordre du jour provisoire du Conseil en vue de son adoption ou de l'adoption d'une position dans le cadre d'une procédure législative. Mais une nouvelle garantie est ajoutée : celle d'un délai de dix jours qui doit être observé entre l'inscription d'un projet d'acte législatif européen à l'ordre du jour provisoire du Conseil et l'adoption d'une position. Cette disposition vise à remédier à la difficulté posée lorsque, sans prendre de décision formelle, le Conseil parvient à un accord politique avant l'expiration du délai de six semaines. 2) Les autres dispositions de la Constitution relatives à l'association des parlements nationaux Plusieurs dispositions constitutionnelles permettent une plus grande implication des parlements nationaux dans la construction européenne : - information de la demande d'adhésion d'un Etat (art.I-57) ; - notification aux parlements nationaux de tous les projets de révision de la Constitution (art.IV-7-1) ; - reconnaissance du rôle des parlements nationaux dans la procédure de révision grâce à la prorogation de la méthode de la Convention (art.IV-7-2) ; - possibilité de s'opposer à la mise en œuvre de la clause passerelle (art.IV-7 bis) ; - implication dans le cadre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice avec la participation aux mécanismes d'évaluation (art.III-161) et l'association au contrôle politique d'Europol (art.III-177) et à l'évaluation des activités d'Eurojust (art.III-174). 1) La réduction du nombre d'instruments juridiques La Constitution ramène de quinze à six le nombre des instruments juridiques et instaure une hiérarchie des normes en distinguant entre les actes législatifs, d'une part, et les actes d'exécution, d'autre part. - Les actes législatifs (article I-33) sont au nombre de deux : la loi européenne et la loi-cadre européenne. Ils contiennent les éléments essentiels et opèrent les choix politiques fondamentaux de l'Union. - Les actes d'exécution (article I-36) sont le règlement et la décision. Ils sont utilisés pour la mise en œuvre des actes législatifs et relèvent en règle générale de la compétence de la Commission, et à titre exceptionnel, de celle du Conseil. La Constitution prévoit également des instruments juridiques spécifiques dans certaines domaines tels que la PESC. - La Constitution mentionne deux instruments juridiquement non contraignants que sont la recommandation et l'avis. Une nouvelle catégorie d'instruments est créée avec les « règlements européens délégués » (article I-35) qui peuvent compléter ou modifier certains éléments non essentiels de la loi ou de la loi-cadre européenne. Cette délégation législative s'accompagne toutefois d'un droit d'évocation (« call back ») permettant au législateur de contrôler la mise en œuvre, par la Commission, de ce pouvoir législatif délégué. 2) La généralisation de la « procédure législative européenne » La Constitution étend sensiblement le champ d'application de la procédure de codécision, désormais nommée « procédure législative ordinaire », qui place le Parlement européen sur un pied d'égalité avec le Conseil de l'Union. Cette extension conduit à un net renforcement des pouvoirs du Parlement européen puisque 27 domaines d'action de l'Union passent à la procédure législative, et concernent principalement : - le marché intérieur (art III-24, III-29, III-32, et III-46-2) ; - la gouvernance économique et l'Union économique et monétaire (art. III-71-6 et III-79-5) ; - la justice et les affaires intérieures (art. III-163, III-166-2, III-167, III-171, III-172, III-173, III-177) ; - la Cour de justice (art. III-264, III-269, III-289) ; - le budget européen (art. III-318, III-319) ; - les accords commerciaux (art III-217-2) ; - l'agriculture (art. III-126-1, III-127-2). Les nouvelles compétences reconnues à l'Union sont toutes soumises à la procédure législative ordinaire, ajoutant ainsi huit nouveaux domaines dans lesquels le Parlement européen légifère sur un pied d'égalité avec le Conseil : - le sport (article III-182) ; - la protection civile (article III-184) ; - la propriété intellectuelle (article III-68) ; - l'espace (article III-150) ; - la coopération administrative (article III-185) ; - les mesures nécessaires à l'usage de l'euro (article III-83) ; - les sanctions financières contre des personnes ou des groupes criminels (article III-49) ; - l'énergie (article III-157). Dans les domaines qui restent soumis à une procédure législative spéciale, le Parlement européen obtient néanmoins un renforcement de ses pouvoirs : - pouvoir d'initiative et dernier mot sur la loi définissant les modalités d'exercice de son droit d'enquête (article III-235); - procédure d'approbation sur les modalités des « ressources propres » (article I-53 § 4) au lieu d'une simple consultation ; - procédure d'approbation sur l'extension des droits liés à la citoyenneté (article III-13) ; - pouvoir de consultation dans plusieurs domaines où il n'avait aucun droit de regard telles que les mesures nécessaires pour faciliter la protection diplomatique et consulaire des citoyens de l'Union (article III-11). Par ailleurs, le Parlement européen devra être consulté en ce qui concerne : - la décision du Conseil d'utiliser la « clause passerelle » (article IV-7 bis) ; - les mesures concernant les passeports, cartes d'identité, titres de séjour, protection et sécurité sociale (article III-9) ; - le régime linguistique des titres de propriété intellectuelle (article III-68). Enfin, en matière d'accords internationaux, l'extension de la procédure législative entraînera la procédure d'approbation pour les accords portant sur ces domaines (article III-226). La Constitution, conformément à ce qu'avait proposé la Convention, prévoit la possibilité pour au moins au million de ressortissants d'un nombre significatif d'Etats membres, d'inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition d'acte juridique sur un sujet particulier, sans pour autant qu'elle soit dans l'obligation juridique de le faire. La Conférence intergouvernementale est venue préciser que la loi européenne qui définira la procédure requise pour la présentation d'une telle initiative citoyenne, devra prévoir le nombre minimum d'Etats membres dont les ressortissants qui la présentent devront provenir. Il s'agit d'éviter que de telles initiatives soient détournées au profit de groupes d'intérêt nationaux émanant d'Etats fortement peuplés et pour lesquels la réunion d'un million de signature pourrait intervenir essentiellement dans le cadre national. La clause de solidarité joue lorsqu'un Etat membre est l'objet d'une attaque terroriste ou la victime d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine ; cette clause a été maintenue sans changement par la Conférence intergouvernementale. Elle prévoit que l'Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les Etats membres notamment pour prévenir la menace terroriste sur le territoire des Etats membres et porter assistance à un Etat membre sur son territoire à la demande de ses autorités politiques en cas de catastrophe naturelle ou d'origine humaine. Les tragiques attentats qui ont frappé l'Espagne le 11 mars 2004 ont entraîné une mise en œuvre anticipée de cette clause par le Conseil européen, à travers la déclaration sur la lutte contre le terrorisme adoptée le 25 mars 2004. La Constitution permet à tout Etat membre de se retirer volontairement de l'Union. Jusqu'à présent, les traités ne prévoyaient pas cette possibilité, et la doctrine reste divisée sur l'existence ou non d'une possibilité implicite de retrait unilatéral. Il est important de préciser que la procédure de retrait volontaire est indépendante de toute procédure de révision de la Constitution. De même, la non-ratification par un Etat membre de la Constitution n'entraînerait pas juridiquement son retrait de l'Union. L'activation de la clause de retrait conduit à la négociation d'un accord entre l'Etat concerné et le Conseil. La Constitution cesse d'être applicable à l'Etat concerné au plus tard deux ans après la notification de la demande du retrait, et à défaut même d'accord sur les modalités de ce retrait. Sans céder à la tentation du « détricotage », la Conférence intergouvernementale a apporté des précisions et des ajouts à un certain nombre de dispositions du projet de la Convention, afin de répondre aux multiples demandes formulées par les Etats membres. 1) La mention expresse de l'égalité entre les femmes et les hommes (article I-2) L'article I-2 de la Constitution énonce les valeurs de l'Union : respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, Etat de droit, respect des droits de l'homme, y inclus les droits des personnes appartenant à des minorités. Une seconde phrase énonce que « ces valeurs sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes ». Cette référence explicite à l'égalité entre les sexes a été ajoutée par la Conférence intergouvernementale. Cette mention pourrait toutefois paraître redondante avec l'exigence de « non-discrimination » qui inclut naturellement l'égalité entre les sexes. Les mouvements féministes auraient préféré hisser au rang de valeur de l'Union l'égalité entre les femmes et les hommes, en la plaçant dans la première phrase de l'article I-2, qui doit se lire en relation avec l'article I-58 selon lequel un risque clair de violation grave d'une des valeurs européennes par un Etat membre peut engager la procédure d'alerte et de sanction contre cet Etat, pouvant comporter la suspension des droits d'appartenance à l'Union, en cas de violation constatée. Toutefois, dans la troisième partie de la Constitution, l'article III-2 fait de l'élimination des inégalités et de la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes une clause transversale applicable à l'ensemble des politiques et actions de l'Union, telles que définies dans la partie III de la Constitution. Sur le fondement de cette base juridique, la Cour de Justice pourrait donc être amenée à annuler un acte européen au motif qu'il entrerait en contradiction avec cet objectif. L'article III-2 fait l'objet d'une Déclaration annexée à l'Acte final qui souligne que l'action de l'Union pour éliminer les inégalités entre les sexes comprend notamment la lutte contre toutes les formes de violence domestique. A cet effet, il est rappelé que les Etats membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer ces actes criminels ainsi que pour soutenir et protéger les victimes. 2) Le respect du droit des personnes appartenant à des minorités (article I-2) A la demande de la Hongrie, la Conférence intergouvernementale a ajouté à la liste des valeurs de l'Union énumérées à l'article I-2, les droits des personnes appartenant à des minorités. Cette revendication s'expliquait par le nombre important de Hongrois vivant dans les pays voisins (Croatie, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie et Ukraine) qui est estimé à environ 3,5 millions de personnes. En France, une référence aux droits des minorités en tant que groupe distinct est contraire au principe constitutionnel d'indivisibilité de la République. Une précaution rédactionnelle a ainsi été prise puisque la formulation retenue par la Constitution européenne fait référence non pas à un quelconque droit collectif mais aux droits des personnes appartenant à des minorités. Cette rédaction ne devrait ainsi vraisemblablement pas être déclarée contraire à la Constitution française. En vertu de l'article I-58 de la Constitution européenne, la violation des droits des personnes appartenant à des minorités pourra donc entraîner le déclenchement d'une procédure de sanction à l'égard d'un Etat membre, allant le cas échéant, jusqu'à la suspension de son appartenance à l'Union. 3) La protection et le bien-être des animaux (article III-5 bis) Un article III-5 bis a été ajouté par la Conférence intergouvernementale afin de prévoir une clause transversale relative au respect, dans la formulation et la mise en œuvre des politiques de l'Union, « du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles ». Cette disposition, demandée notamment par le Royaume-Uni et activement soutenue par les associations de protection des animaux, vise à améliorer les conditions de transports des animaux et à encadrer plus strictement l'utilisation des animaux dans le cadre des activités de recherche et de développement technologique. On notera cependant que l'exigence de bien être des animaux doit respecter les usages des Etats membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux. La fête musulmane de l'Aïd-el-Kebir ou la pratique des corridas, par exemple, ne sont donc pas concernées par cette disposition. L'article I-3 de la Constitution énonce les principaux objectifs justifiant l'existence de l'Union pour l'exercice de certaines compétences en commun au niveau européen. Chacun d'entre eux recouvre un certain nombre de politiques et d'objectifs précis figurant dans la partie III de la Constitution. Tous les objectifs mentionnés dans le projet de la Convention sont maintenus, notamment les principes de diversité culturelle et linguistique. Aux objectifs énoncés dans le projet de la Convention, la Conférence intergouvernementale a ajouté la stabilité des prix, dont la Banque centrale européenne est la garante. Alors qu'un débat se développe actuellement sur une redéfinition des missions de la BCE qui tienne davantage compte de l'objectif de croissance économique, on notera que cet ajout aux objectifs de l'Union figure sur le même plan qu'une « économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement ». A la demande du Portugal, l'article I-5 relatif aux relations entre l'Union et les Etats membres mentionne désormais explicitement que « l'Union respecte l'égalité des Etats membres devant la Constitution ». Cette disposition trouve sa traduction juridique dans plusieurs articles de la Constitution qui concernent notamment les règles de composition de la Commission (selon une rotation égalitaire) ou encore les modalités de présidence des formations sectorielles du Conseil de l'Union. 1) La santé publique (articles I-3 et III-179) Les aménagements, à l'article III-179, relatifs aux facultés d'intervention de l'Union en matière de santé publique sont de trois ordres : - d'une part, ils visent à améliorer la gestion des risques qui dépassent le cadre d'un seul Etat en ajoutant aux compétences de l'Union, tant la surveillance des menaces transfrontières graves sur la santé que l'encouragement à la coopération des services de santé dans les régions transfrontalières ; - d'autre part, ils permettent l'intervention d'une loi ou d'une loi-cadre européenne pour fixer les normes de qualité comme de sécurité des produits médicaux et dispositifs à usage médical ainsi que pour déterminer les mesures de surveillance, d'alerte et d'intervention en cas de menaces transfrontières graves sur la santé ; - enfin, ils étendent au tabac et à l'abus d'alcool les compétences de l'Union en matière de lutte contre les grands fléaux. Le dernier ajout, au paragraphe 7 de l'article III-179, clarifie certains aspects de l'articulation des actions de l'Union et des Etats membres en matière de santé publique. - D'une part, il prévoit le respect de la compétence de ces derniers quant à la définition de leur politique de santé, et non plus seulement quant à l'organisation et à la fourniture de services de santé et de soins médicaux. - D'autre part, il confirme que la gestion des services de santé et des soins médicaux comme l'allocation des ressources qui leur sont consacrées, relèvent bien de la responsabilité des Etats membres. 2) Le tourisme (articles I-16 et III-181 bis) Selon les estimations de la Commission européenne, le tourisme représente directement 5% du PIB total de l'Union, concerne 2,2 millions d'entreprises et 7,7 millions d'emplois. Le tourisme a été ajouté dans la liste des actions d'appui, de coordination ou de complément de l'article I-16. Mais davantage qu'une nouvelle compétence, il s'agit en réalité de la formalisation d'une action d'appui que l'Union exerce déjà en pratique. Une disposition nouvelle a également été insérée dans la partie III (article III-181 bis), qui prévoit que l'action de l'Union vise à encourager la création d'un environnement favorable au développement des entreprises dans ce secteur et à favoriser la coopération entre Etats membres, notamment pour l'échange de bonnes pratiques. S'agissant d'une action d'appui, toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres demeure exclue. 3) Le sport (articles I-16 et III-182) A la différence du tourisme qui ne figurait pas dans la liste des actions d'appui de l'article I-16 du projet de la Convention, le sport y était déjà mentionné, sur le même plan que l'éducation, la jeunesse et la formation professionnelle(10). La Conférence intergouvernementale a en réalité précisé la portée de cette compétence en rappelant, à l'article III-182, que l'Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, « tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative ». A également été étendue au sport la promotion de la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes, en particulier avec le Conseil de l'Europe (article III-182 § 3). Conformément à ce que proposait la Convention, l'article I-5 de la Constitution place la primauté du droit européen parmi les principes fondamentaux de l'Union. Lors des débats au sein de la Convention, le Royaume-Uni avait souhaité la suppression de cet article considéré comme trop fédéraliste. Après s'y être finalement rallié, le gouvernement britannique a toutefois exigé qu'une déclaration soit annexée constatant, pour en encadrer la portée, que les dispositions de cet article reflètent la jurisprudence existante de la Cour de justice. La primauté du droit européen a été consacrée par la Cour de Justice dès 1964 avec l'arrêt Costa c/ Enel et les juridictions nationales sont tenues de faire primer le droit de l'Union européenne sur le droit interne. Selon la Cour de justice, cette primauté vaut à l'égard de l'ensemble du droit national, y compris des dispositions constitutionnelles (CJCE, 1970, Internationale Handelgesellsschaft). Dans une décision récente(11), le Conseil constitutionnel s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la conformité à la Constitution d'une disposition de la loi sur l'économie numérique dans la mesure où cette loi est la stricte transposition en droit français d'une directive européenne du 8 juin 2000. Le Conseil déduit en effet de l'article 88-1 de la Constitution(12) que « la transposition en droit interne d'une directive européenne résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire à la Constitution ». A contrario, dans tous les autres cas, le Conseil constitutionnel confirme donc une jurisprudence bien établie selon laquelle le droit de l'Union prime le droit national. La « constitutionnalisation » de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proposée par la Convention, n'a pas été remise en cause au cours de la Conférence intergouvernementale. Les Britanniques, soucieux de délimiter la portée juridique de cette intégration, ont cependant obtenu qu'une référence supplémentaire aux « explications »(13) relatives à la Charte soit incluse dans la Constitution, dans les clauses finales de la Charte (art. II-52, § 7). Aux termes de cette nouvelle disposition, « il convient que les juridictions de l'Union et des Etats membres prennent dûment en considération les explications élaborées en vue de guider l'interprétation de la Charte des droits fondamentaux ». Cette référence vient compléter celle déjà ajoutée par la Convention à la fin du préambule de la Charte. Compte tenu de l'importance qui leur est reconnue, ces explications seront rendues plus accessibles par leur publication dans une déclaration annexée à la Constitution. Il a également été précisé que les explications visées sont celles mises à jour par la Convention. Une actualisation, tenant compte de développements jurisprudentiels récents et d'ajustements rédactionnels, a en effet été opérée par celle-ci sous l'autorité du commissaire Antonio Vitorino (qui avait présidé le groupe de travail de la Convention consacré à la Charte). En matière de droits fondamentaux, la CIG a également renforcé le caractère contraignant de la disposition relative à l'adhésion de l'Union à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'article I-7-2 prévoit en effet que l'Union « adhère » à cette convention, et non plus qu'elle « s'emploie à [y] adhérer ». L'article III-6 de la Constitution confère une base juridique aux services d'intérêt général et souligne le rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, conformément à l'article I-3 sur les objectifs de l'Union. Au texte élaboré par la Convention, la Conférence intergouvernementale a ajouté, à la demande de la France et de l'Autriche, le nécessaire respect par la loi européenne de la compétence qu'ont les Etats membres, dans le respect de la Constitution, « de fournir, de faire exécuter et de financer ces services ». H. La sauvegarde de l'exception culturelle dans le cadre de la politique commerciale commune (article III-217) L'exigence du vote à l'unanimité est maintenue en ce qui concerne le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, « lorsque ceux-ci risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union ». Cette disposition, obtenue par la France dans les derniers jours de la Convention, a donc été confirmée par la Conférence intergouvernementale. Dans un souci de cohérence juridique, l'article III-217 prévoit un parallélisme entre la règle de vote applicable à la conclusion des accords internationaux et celle applicable à l'adoption des règles internes. Deux autres modifications doivent être mentionnées, au regard du texte de la Convention : - le vote à l'unanimité pour la négociation et la conclusion d'accords relatifs aux investissements étrangers directs, lorsque cet accord comprend des dispositions pour lesquelles l'unanimité est requise pour l'adoption de règles internes ; - à la demande de la Finlande, le vote à l'unanimité pour la négociation et la conclusion d'accords dans le domaine du commerce des services sociaux, d'éducation et de santé, lorsque ceux-ci risquent de perturber gravement l'organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la compétence des Etats membres pour la fourniture de ces services. La France a proposé un amendement à la Constitution (article III-330) visant à permettre l'attribution à Mayotte du statut de région ultrapériphérique et à renvoyer à un acte dérivé le soin d'organiser un régime de transition à cette fin. Cela permettra ainsi à Mayotte, en tant que région ultrapériphérique, de bénéficier de financements communautaires dès l'entrée en vigueur de la Constitution. Un paragraphe 7 a ainsi été ajouté à l'article IV-4 qui énonce que « le Conseil européen, sur initiative de l'Etat membre concerné, peut adopter une décision européenne modifiant le statut à l'égard de l'Union d'un pays ou territoire français ». Une déclaration inscrite à l'Acte final viendra préciser que le Conseil européen prendra une décision aboutissant à la modification du statut de Mayotte à l'égard de l'Union européenne de manière à ce que ce territoire devienne une région ultrapériphérique. SECONDE PARTIE : Les principales modifications apportées au projet élaboré par la Convention résultent d'une combinaison de revendications et de concessions qui ont occasionné des arbitrages dans le cadre d'une négociation globale. En effet, les gouvernements ne pouvaient s'accorder sur rien tant qu'ils n'étaient pas d'accord sur tout. Elles concernent l'architecture institutionnelle, le champ d'application de la majorité qualifiée ainsi que la définition et les modalités de mise en œuvre de certaines politiques de l'Union. Au sein de la Conférence intergouvernementale, les débats institutionnels se sont focalisés sur deux questions majeures : la composition de la Commission européenne et la définition de la règle de la majorité qualifiée. Pour autant, des modifications substantielles ont été apportées dans de nombreux autres domaines directement liés au fonctionnement institutionnel de l'Union. Les négociations sur la composition de la Commission ont fait partie du « paquet final » de la négociation au sein de la Conférence intergouvernementale. Alors que le projet initial de la Convention prévoyait le passage à un collège resserré dès 2009 (quinze Commissaires européens - y compris le Président et le ministre européen des Affaires étrangères - et des commissaires sans droit de vote pour les Etats non représentés), une majorité de pays membres souhaitait le maintien du principe d'un commissaire par Etat membre. Cette exigence était notamment formulée par les nouveaux pays membres qui ont rejoint l'Union le 1er mai 2004. En effet, même si la Commission ne représente pas les Etats membres(14), chaque pays entend être présent au sein du collège des commissaires afin de permettre la prise en compte de positions nationales. Or dans une Europe qui sera bientôt composée d'une trentaine d'Etats membres, une extension systématique de la taille du collège rendra la Commission rapidement ingouvernable, au détriment de l'intérêt général européen ; la légitimité de la Commission se trouverait également altérée. C'est la raison pour laquelle la France est particulièrement attachée au principe d'un collège restreint. ¬ Une Commission réduite à partir de 2014 L'accord finalement obtenu prévoit que la Commission comprendra un Commissaire par Etat membre jusqu'en 2014 (ce qui correspond aux deux prochaines législatures du Parlement européen). C'est davantage que ce que prévoit le traité de Nice puisque le protocole sur l'élargissement de l'Union européenne énonce que « lorsque l'Union compte 27 Etats membres (...) le nombre des membres de la Commission est inférieur au nombre d'Etats membres ». En revanche, la Constitution européenne prévoit dès à présent qu'à partir de 2014, la composition de la Commission correspondra aux deux tiers du nombre des Etats membres. Ainsi, dans une Union à 27, la Commission sera composée de 18 membres ; cela signifie qu'un pays sera représenté dans deux collèges sur trois, sur la base d'une rotation égalitaire. La Constitution garantit donc le principe d'un collège resserré en contrepartie d'une entrée en vigueur des nouvelles règles en 2014 et non en 2009, ce qui permet de clore définitivement cette négociation. Le nombre de membres de la Commission pourra toutefois être modifié sans qu'il soit nécessaire de procéder à une révision de la Constitution, puisqu'il suffira d'une décision du Conseil européen, statuant à l'unanimité. Dans la mesure où, à partir de 2014, certains pays ne seront plus représentés au sein de la Commission, une Déclaration annexée à la Constitution, énonce la nécessité de garantir une transparence absolue des relations entre la Commission et l'ensemble des Etats membres. Il est en outre précisé que « la Commission devrait prendre toutes les mesures utiles afin de garantir que les réalités politiques, sociales et économiques de tous les Etats membres, y compris ceux qui ne comptent pas de ressortissant parmi les membres de la Commission, sont pleinement prises en compte ». Parmi les autres modifications substantielles apportées au projet de la Convention, il faut retenir la suppression de la disposition prévoyant la possibilité, pour le Président de la Commission, de choisir les membres de son collège sur des listes de trois personnes transmises par les Etats membres. La Constitution maintient en effet le système actuel selon lequel « le Conseil, d'un commun accord avec le Président désigné, adopte la liste des autres personnalités qu'il envisage de nommer membres de la Commission ». Au cœur du clivage - artificiel - qui a opposé les « petits » aux « grands » pays, la définition de la majorité qualifiée a bien failli faire échouer la négociation sur la Constitution européenne. L'Espagne et la Pologne avaient déjà fait part, au sein de la Convention, de leur hostilité au principe même de cette double majorité, qui leur est moins favorable que les dispositions sur la pondération des voix prévues par le traité de Nice. Mais l'évolution de la position espagnole consécutive au changement de gouvernement a finalement ouvert la voie à un compromis sur cette question. La solution retenue par la Conférence intergouvernementale préserve l'essentiel, à savoir cette double majorité qui combine une double légitimité sur laquelle repose l'Union européenne en tant que « fédération d'Etats nations » : d'une part, la légitimité des Etats, d'autre part, celle des peuples. La proposition initiale de la Convention avait le mérite de la simplicité puisqu'une décision était réputée adoptée dès lors qu'elle réunissait une majorité de 50 % des Etats représentant 60 % de la population. L'objectif était ainsi de favoriser les coalitions gagnantes bien davantage que les minorités de blocage. En effet, de 2 % avec le mécanisme de pondération des voix du traité de Nice, le nombre de coalitions gagnantes atteignait près de 22 % avec le système proposé par la Convention (dans l'hypothèse d'une Union à 27 membres). Or l'Espagne et la Pologne principalement, mais aussi certains pays moins peuplés, ont estimé que la double majorité donnait un poids trop important aux Etats les plus peuplés. Dès lors que l'ensemble des délégations ont admis le principe même de la double majorité, les négociations ont porté sur la modification des seuils proposés par la Convention. L'Espagne et la Pologne demandaient le relèvement du seuil démographique tandis que les « petits » pays entendaient veiller à ce que l'écart entre les deux seuils soit au moins maintenu afin de ne pas réduire leur poids relatif. En conséquence, les chefs d'Etat et de gouvernement se sont accordés sur une augmentation identique des deux seuils : de 50 % à 55 % pour le seuil du nombre d'Etats membres, et de 60 % à 65 % pour le seuil démographique(15). L'article I-24 ajoute une condition au seuil de 55 % en exigeant la réunion d'au moins quinze Etats membres. On peut s'interroger sur la pertinence de cette disposition dans la mesure où le mécanisme de double majorité n'est prévu pour entrer en vigueur qu'en 2009, date à laquelle l'Union européenne comptera probablement 27 Etats membres avec l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. Or à partir de 26 Etats membres, le seuil de 55 % correspondra arithmétiquement à un minimum de quinze Etats membres. Cette condition supplémentaire sera donc vraisemblablement caduque avant même son entrée en vigueur. Il faut également préciser que les abstentions ne sont pas prises en compte pour atteindre une majorité, qui se calcule sur la base du nombre des Etats membres et non des votes positifs. 2) La définition d'une minorité de blocage La Constitution prévoit qu'une minorité de blocage doit inclure au moins quatre membres du Conseil, faute de quoi la majorité qualifiée est considérée comme atteinte. Cette disposition a été ajoutée à la demande des « petits » pays afin d'éviter que trois Etats membres parmi les plus peuplés, représentant plus de 35 % de la population(16), puissent empêcher une décision. Il s'agit là d'une traduction juridique de la prise en compte de l'égalité des Etats, de sorte que le critère démographique n'ait pas pour effet de neutraliser le critère des Etats. Par dérogation à ce qui précède, la majorité qualifiée est fixée à 72 % des Etats (au lieu de 55 %) représentant toujours 65 % de la population dans tous les cas où la proposition n'émane pas de la Commission ou du ministre des Affaires étrangères(17). Il s'agit notamment des initiatives des Etats membres dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures, des initiatives du Conseil en matière de PESC, des actes pris dans le cadre de la politique économique et monétaire sur recommandation de la Commission ou de la BCE, des propositions qui émanent du Parlement européen, de la suspension ou du retrait d'un Etat membre, ou encore de diverses nominations. 3) L'introduction d'un mécanisme de « Ioannina » Est annexée à la Constitution un projet de décision qui sera adopté le jour de l'entrée en vigueur de la Constitution. Ce texte instaure un système calqué sur le « compromis de Ioannina(18) » relatif à la mise en œuvre de l'article I-24 en prévoyant que si des membres du Conseil représentant au moins ¾ de la population de l'Union ou au moins ¾ du nombre des Etats membres nécessaires pour constituer une minorité de blocage, indiquent leur opposition à l'adoption d'un acte par le Conseil à la majorité qualifiée, le Conseil doit débattre de cette question afin de parvenir à une solution dans un délai raisonnable. Alors seulement, il pourra être procédé au vote. Ce système s'appliquera à compter du 1er novembre 2009, et au moins jusqu'en 2014. A partir de cette date seulement, le Conseil pourrait adopter une décision l'abrogeant. Les pays les moins peuplés de l'Union ont revendiqué au sein de la Conférence intergouvernementale le relèvement du seuil minimum de parlementaires européens. Alors que le projet élaboré par la Convention plafonnait à 736 le nombre des députés européens, le relèvement du seuil minimum n'était possible qu'à la condition soit de relever le plafond, soit de diminuer le nombre de parlementaires issus des pays les plus peuplés. La solution retenue combine ces deux éléments puisque le seuil minimum est relevé à 6 parlementaires (au lieu de 4 dans le projet de la Convention) avec un plafonnement à 750 au lieu de 736 et une réduction du nombre de sièges de l'Allemagne de 99 à 96. Malte obtient donc un siège de plus qu'actuellement et le Luxembourg est garanti de conserver 6 sièges dans la perspective de la redistribution à venir lorsque l'Union comptera plus de 27 Etats membres. C'est en effet dans le respect de ces paramètres que devra être définie la composition du Parlement européen, en temps utile avant les élections de 2009. a) La suppression du Conseil législatif (article I-23) Dans un souci de simplification et de transparence, la Convention proposait de confier la fonction législative à une formation unique du Conseil. Un consensus s'est pourtant rapidement dégagé au sein de la Conférence intergouvernementale en faveur de la suppression d'un tel Conseil législatif unique, et du maintien des différentes formations sectorielles. En revanche, la Constitution prévoit que chaque session du Conseil est divisée en deux parties, consacrées respectivement aux délibérations sur les actes législatifs de l'Union et aux activités non législatives. Dès lors qu'il délibère et vote sur un projet d'acte législatif, le Conseil siège en public. En vertu du Protocole sur le rôle des Parlements nationaux, ceux-ci sont directement destinataires des ordres du jour et des procès verbaux de ces réunions. La Constitution mentionne directement deux formations du Conseil : - le Conseil des affaires générales, qui « assure la cohérence des travaux des différentes formations du Conseil. Il prépare les réunions du Conseil européen et en assure le suivi en liaison avec le Président du Conseil européen et la Commission » ; - le Conseil des affaires étrangères, présidé par le ministre européen des affaires étrangères, qui « élabore l'action extérieure de l'Union selon les lignes stratégiques fixées par le Conseil européen et assure la cohérence de l'action de l'Union ». S'agissant des autres formations sectorielles du Conseil, elles doivent faire l'objet d'une décision européenne adoptée par le Conseil européen à la majorité qualifiée. b) Le maintien de la présidence tournante pour les formations sectorielles du Conseil Les règles relatives à l'exercice de la présidence des différentes formations du Conseil des ministres sont fixées par une décision du Conseil européen dont il est prévu qu'elle sera automatiquement adoptée le jour de l'entrée en vigueur de la Constitution. Le projet élaboré par la Convention prévoyait pour la présidence des formations du Conseil, à l'exception de celle des affaires étrangères présidée par le ministre européen des affaires étrangères, un système de rotation égale pour des périodes d'au moins un an, « en tenant compte des équilibres politiques et géographiques dans l'Union et de la diversité des Etats membres ». Dans cet esprit, les débats se sont focalisés au sein de la Conférence intergouvernementale sur les modalités d'une présidence par équipe du Conseil des ministres. L'objectif visait à partager la présidence tout en assurant une nécessaire cohérence. La solution retenue est celle de groupes prédéterminés de trois Etats membres pour une période de 18 mois. Ces groupes sont composés par rotation égale des Etats membres, en tenant compte de leur diversité et des équilibres géographiques au sein de l'Union. Chaque membre du groupe assure à tour de rôle la présidence de toutes les formations du Conseil, avec l'assistance des autres membres du groupe, sur la base d'un programme commun. S'il a un temps été envisagé de répartir les formations du Conseil entre les différents pays constituant l'équipe présidentielle, cette option a finalement été rejetée en raison essentiellement des difficultés de coordination. Au total, la présidence semestrielle qui est supprimée au niveau du Conseil européen est donc maintenue au niveau du Conseil des ministres (à l'exception du Conseil « Affaires étrangères ») et la présidence du Conseil « Affaires générales » est bien soumise aux mêmes règles que les différentes formations sectorielles du Conseil. La Constitution européenne innove tant sur le champ couvert par les possibilités de coopérations renforcées qu'en ce qui concerne la procédure d'autorisation. 1) La décision de recourir à une coopération renforcée La Constitution étend en effet la possibilité d'engager des coopérations renforcées à l'ensemble de l'action européenne(19) à la condition de réunir au moins un tiers des Etats membres. L'autorisation de procéder à une coopération renforcée est accordée par une décision européenne du Conseil qui statue à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen. Les coopérations renforcées dans le domaine de la PESC sont toutefois soumises à un régime dérogatoire, puisqu'elles ne peuvent être autorisées que par une décision européenne du Conseil, statuant à l'unanimité. La Convention prévoyait une autorisation à la majorité qualifiée. La Constitution précise (article III-324 §1) que « la Commission et les Etats membres participant à une coopération renforcée veillent à promouvoir la participation du plus grand nombre possible d'Etats membres ». Mais dès lors qu'une coopération renforcée est instaurée, seuls les Etats qui y participent prennent part à l'adoption des actes ; les règles de vote restent celles en vigueur dans la Constitution pour le domaine concerné. Dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, la Constitution énonce une règle particulière puisqu'une coopération renforcée est réputée accordée dès lors qu'elle concerne un projet de loi-cadre européenne qui aurait fait l'objet d'un veto de la part d'un ou plusieurs Etats membres. Cette « clause d'accélérateur » peut être activée par au moins un tiers des Etats membres selon la procédure prévue aux articles III-171 et III-172. S'agissant de la politique de sécurité et de défense commune, il existe plusieurs formes de coopérations renforcées : - la « coopération structurée permanente » qui concerne, selon l'article I-40 et le Protocole annexé à la Constitution, « les Etats membres qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit entre eux des engagements plus contraignants en cette matière en vue des missions les plus exigeantes ». A la différence des coopérations renforcées dans les autres domaines, aucun seuil minimum d'Etats participants n'est requis pour former une coopération structurée ; - la participation d'un groupe d'Etats membres à des missions en dehors de l'Union afin d'assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale conformément aux principes de la charte des Nations Unies (articles I-40 et III-211) ; - la coopération que développent entre eux les Etats membres participant à l'Agence européenne de la défense et de l'armement (article I-40 §3). Alors que dans le projet élaboré par la Convention, l'activation de la clause de défense mutuelle pouvait s'apparenter à une coopération renforcée dans la mesure où elle relevait explicitement d'une « coopération plus étroite » entre certains pays, l'extension de cette clause à l'ensemble des Etats membres la fait donc sortir du champ des coopérations renforcées. Il s'agit là d'une avancée qui mérite d'être soulignée. 2) L'application de la « clause passerelle » à l'intérieur des coopérations renforcées L'article III-328 de la Constitution permet au Conseil de décider à l'unanimité de statuer à la majorité qualifiée ou bien conformément à la procédure législative ordinaire, sur un sujet relevant jusqu'alors de l'unanimité ou bien d'une procédure législative spéciale. La Conférence intergouvernementale a cependant limité cette clause passerelle en l'interdisant aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense (article III-328 §3). Par ailleurs, une déclaration annexée à la Constitution a été ajoutée par les chefs d'Etat et de gouvernement afin de préciser que les Etats membres peuvent indiquer, lorsqu'ils présentent une demande visant à instaurer une coopération renforcée, s'ils envisagent déjà à ce stade de faire usage de la clause passerelle. Il ne s'agit que d'une incitation (et non d'une obligation) dont la portée est néanmoins limitée dans la mesure où cette clause passerelle ne peut être activée qu'à l'unanimité des Etats membres participants. Le projet de la Convention visait à simplifier la procédure d'adoption du budget annuel et à accroître les pouvoirs du Parlement européen. La Conférence intergouvernementale a procédé à un rééquilibrage des pouvoirs. 1) Concernant les ressources propres (article I-53) Le texte adopté par la Conférence intergouvernementale limite la simplification du mécanisme de décision et le rééquilibrage des pouvoirs entre les institutions. A l'heure actuelle, tout ce qui concerne les recettes est décidé par le Conseil à l'unanimité, après consultation du Parlement européen. La Convention avait proposé que la création de nouvelles recettes et le plafond des ressources propres de l'Union, aujourd'hui limité à 1,24 % du revenu national brut communautaire, restent déterminés à l'unanimité par le Conseil, et soient approuvés par les Etats membres, le Parlement européen étant simplement consulté. S'agissant des modalités des ressources de l'Union, c'est-à-dire en particulier les règles d'assiette et de taux, l'unanimité aurait été remplacée par la majorité qualifiée et la décision partagée entre le Conseil et le Parlement européen. Lors de la négociation, les Anglais ont demandé, sans grande surprise, que l'unanimité soit rétablie pour la fixation des « modalités des ressources » et la codécision avec le Parlement européen supprimée. Les Pays-Bas, dont le solde contributeur net est élevé, étaient également sensibles au maintien de l'unanimité pour l'ensemble des dispositions relatives aux ressources propres. L'une des solutions de compromis aurait pu être de soumettre les questions relatives aux « modalités des ressources » à une majorité « super qualifiée ». Finalement, la Constitution étend le champ de l'unanimité par rapport au projet de la Convention. Le Conseil statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen, pour la fixation, par une loi européenne du Conseil, des « dispositions applicables au système de ressources propres de l'Union » (et non pas simplement la limite des ressources), ainsi que l'établissement de nouvelles ressources propres ou l'abrogation d'une catégorie existante. La portée de la procédure de décision à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen, est désormais limitée aux « mesures d'exécution du système des ressources propres » [au lieu des « modalités des ressources de l'Union »]. De plus, cette procédure est étroitement encadrée et conditionnée, puisque la nature des mesures d'exécution qui pourront être fixées à la majorité qualifiée sera déterminée par une loi européenne du Conseil adoptée, elle, à l'unanimité après simple avis du Parlement européen. 2) Concernant les dépenses : le rééquilibrage des pouvoirs entre le Parlement européen et le Conseil dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle (article III-310) La principale modification proposée par la Convention concernait la procédure budgétaire annuelle. La Convention proposait que le budget soit désormais adopté après une seule lecture au Conseil et au Parlement européen, au lieu de deux. En cas de désaccord, un Comité de conciliation paritaire aurait été chargé d'approuver un projet commun. A défaut d'accord, le Parlement européen aurait eu le dernier mot à la majorité des 3/5. La distinction entre dépenses obligatoires, qui découlent obligatoirement des traités ou des actes arrêtés en vertu de ceux-ci [parmi lesquelles les dépenses agricoles], et dépenses non-obligatoires, qui fonde actuellement les pouvoirs respectifs du Conseil et du Parlement européen, étant supprimée, cela renforçait singulièrement les pouvoirs du Parlement européen sur les dépenses. Plusieurs Etats s'en sont émus, et en particulier la France, qui a toujours refusé de donner au Parlement européen le dernier mot sur le vote des dépenses annuelles, ne voulant pas soumettre la politique agricole à la volonté des parlementaires européens, même si les dépenses agricoles sont garanties jusqu'en 2013 par le Conseil européen et protégées ultérieurement par une sorte de clause de sauvegarde. La France et l'Italie avaient suggéré un mécanisme de codécision en matière de dépenses, qui rétablisse l'égalité entre le Conseil (c'est-à-dire les gouvernements) et le Parlement européen. Au contraire, la Belgique et le Luxembourg considéraient que le dernier mot accordé au Parlement européen en matière de dépenses était un élément essentiel du rééquilibrage institutionnel. Le texte de la Constitution adopté par la Conférence intergouvernementale, outre de nombreux amendements rédactionnels, modifie sensiblement les propositions de la Convention relatives à la procédure budgétaire à la suite de la réunion du Comité de conciliation. Alors que la Convention prévoyait de donner le dernier mot au Parlement européen, statuant à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés, lorsque le Comité de conciliation n'approuve pas le projet commun, le texte de la Constitution dispose simplement que, dans ce cas, un nouveau projet de budget est présenté par la Commission. Dans l'hypothèse où le Comité de conciliation parvient à un accord sur un projet commun, mais où le Conseil le rejette, le Parlement peut avoir le dernier mot à la majorité des 3/5. S'il ne parvient pas à confirmer un de ses amendements à cette majorité, le budget est adopté sur la base de l'accord du Comité de conciliation (la Convention préconisait, dans cette hypothèse, d'adopter la position du Conseil pour la ligne budgétaire faisant l'objet de l'amendement). La Constitution prévoit également qu'en cas d'accord au Comité de conciliation, si l'une ou l'autre des deux institutions (ou les deux à la fois) ne parvient pas à statuer, le budget est réputé adopté conformément au projet du Comité de conciliation. En cas de rejet du projet commun du Comité de conciliation par les deux institutions ou en cas d'approbation par le seul Conseil et de rejet par le Parlement, un nouveau projet de budget doit être présenté par la Commission. Ainsi, malgré les précisions apportées ou les modifications significatives décidées par les chefs d'Etat et de gouvernement, la Constitution confirme la suppression de la distinction entre dépenses obligatoires et non-obligatoires. Mais le renforcement des pouvoirs budgétaires du Parlement européen est plus limité que dans le projet de la Convention. La question des modalités de révision est essentielle pour permettre les adaptations nécessaires de la Constitution. Sans revenir sur l'exigence de l'unanimité, la Constitution prévoit différentes modalités de révision, plus ou moins contraignantes, selon la nature des modifications envisagées. 1) La procédure ordinaire de révision s'appliquant à toutes les parties de la Constitution (article IV-7) a) Une procédure lourde : la convocation d'une Convention puis d'une Conférence intergouvernementale L'article IV-7 prévoit que le gouvernement de tout Etat membre, le Parlement européen ou la Commission, peut soumettre au Conseil des projets tendant à la révision de la Constitution. Ces projets sont alors transmis au Conseil européen, et également notifiés aux parlements nationaux. Le Conseil européen peut alors décider de convoquer une Convention composée de représentants des parlements nationaux, des gouvernements, du Parlement européen et de la Commission(20). Cette Convention doit alors adopter par consensus une recommandation adressée à une Conférence intergouvernementale. Les amendements adoptés d'un commun accord par la Conférence intergouvernementale ne peuvent entrer en vigueur qu'après avoir été ratifiés par l'ensemble des Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. L'exigence de l'unanimité est ainsi doublement présente : d'abord lors de la conclusion de la Conférence intergouvernementale, puis au stade de la ratification par les Etats membres, ce qui signifie qu'un seul Etat membre, fut-ce le moins peuplé de l'Union, peut poser son veto à toute modification du texte constitutionnel. C'est la raison pour laquelle il est prévu que si, à l'issue d'un délai de deux ans après l'adoption au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement des modifications envisagées, les 4/5e des Etats membres les ont ratifiées et qu'un ou plusieurs Etats membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question. La même règle est prévue, dans une déclaration annexée, pour l'entrée en vigueur de la Constitution. En d'autres termes, cela signifie que les dirigeants européens s'efforcent de trouver une solution politique qui pourrait, par exemple, prendre la forme de l'adoption d'une déclaration comportant une clause dérogatoire pour le pays concerné, l'organisation d'une nouvelle procédure de ratification, voire l'engagement d'une procédure de retrait de l'Union européenne. b) Une procédure allégée pour les révisions ne justifiant pas la convocation d'une Convention Une procédure de révision allégée a également été prévue, dans le cadre de la procédure ordinaire, pour les modifications dont l'importance ne justifie pas la convocation d'une Convention (mais qui pourraient concerner les parties I, II ou IV). Le Conseil européen peut en effet décider, à la majorité simple et après approbation du Parlement européen (ce qui devrait éviter qu'il puisse être abusé de cette faculté), de ne convoquer que la Conférence intergouvernementale. Les amendements adoptés sont ensuite soumis, comme pour la procédure la plus solennelle, à la ratification de l'ensemble des Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. 2) Une procédure simplifiée pour la modification des dispositions relatives aux politiques et actions internes de l'Union (article IV-7 ter) Afin de rendre moins difficile la révision des dispositions de la Constitution relatives aux politiques et actions internes de l'Union (titre III de la partie III), un nouvel article IV-ter a été ajouté qui permet au Conseil européen d'adopter par une décision européenne à l'unanimité tout ou partie des dispositions de ce titre, sans qu'il soit nécessaire de convoquer une conférence intergouvernementale. Cette décision est ensuite soumise à la ratification de tous les Etats membres. Cette procédure a donc pour seul avantage de supprimer l'obligation de convoquer une Conférence intergouvernementale. En tout état de cause, une telle modification de la Constitution ne doit pas avoir pour effet d'accroître les compétences attribuées à l'Union. 3) La clause passerelle : le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée et de la procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire (article IV-7 bis) Afin d'élargir le champ d'application de la majorité qualifiée et de la procédure législative ordinaire, la Constitution prévoit une « clause passerelle » qui permet de contourner la procédure lourde de révision. Selon cette clause passerelle, qui ne s'applique qu'aux dispositions de partie III, le Conseil européen - statuant à l'unanimité après approbation du Parlement européen qui se prononce à la majorité des membres qui le composent - peut adopter une décision européenne autorisant le Conseil à statuer à la majorité dans un domaine jusqu'alors soumis à l'unanimité, et / ou à statuer selon la procédure législative ordinaire dans un domaine jusqu'alors régi par une procédure législative spéciale. Cette décision européenne entre en vigueur sans qu'une ratification ou qu'une approbation des Etats membres soit nécessaire. Toutefois, la Constitution prévoit la transmission obligatoire aux parlements nationaux de la décision européenne du Conseil européen. En cas d'opposition d'un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision européenne n'est pas adoptée. En cas d'absence d'opposition seulement, le Conseil européen peut adopter ladite décision qui entre alors en vigueur. Chaque parlement national dispose donc d'un droit de veto qui lui permet d'empêcher l'activation de la clause passerelle, en contrepartie de l'abandon définitif de l'exigence de l'unanimité puisque la clause passerelle ne fonctionne en effet que dans un seul sens. La Conférence intergouvernementale a limité le champ de la majorité qualifiée par rapport au projet initial de la Convention, en matière de coopération judiciaire pénale, de politique fiscale et dans le domaine financier. A. Les clauses de « frein » et d'« accélérateur » prévues dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale (articles III-171 et III-172) La Convention européenne avait proposé d'étendre le vote à la majorité qualifiée à la coopération judiciaire pénale. Certains Etats membres (le Royaume-Uni en particulier) se sont cependant opposés à ce changement, et ont rouvert le dossier à la Conférence intergouvernementale, qui a finalement décidé, à titre de compromis, d'assortir ce passage à la majorité qualifiée d'un mécanisme de « frein » et d'« accélérateur ». La « clause de frein » consiste en la reconnaissance d'un droit d'appel au Conseil européen (qui statue par consensus), ouvert à tout Etat membre qui estimerait qu'une proposition porterait atteinte aux principes fondamentaux de son système juridique. Le Conseil européen peut alors, dans un délai de quatre mois, soit renvoyer le projet au Conseil (ce qui met fin à la suspension de la procédure), soit demander un nouveau projet (l'acte initialement proposé étant alors considéré comme rejeté). Cette disposition revient à donner à chaque Etat membre un droit de veto. En contrepartie, une « clause d'accélérateur » a été prévue, qui assouplit le recours aux coopérations renforcées pour mettre en œuvre une proposition ainsi rejetée. Si le Conseil européen n'a pas agi dans le délai de quatre mois prévu ou si le nouveau projet déposé n'a pas été adopté dans un délai de douze mois, l'autorisation de procéder à une coopération renforcée est en effet réputée accordée dès lors que le seuil d'un tiers des Etats membres est atteint (une décision du Conseil des ministres, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, n'étant plus requise). Il a également été précisé que les règles minimales adoptées en matière de procédure pénale doivent tenir compte des différences entre les traditions et les systèmes juridiques des Etats membres. La Conférence intergouvernementale a finalement supprimé toute faculté de vote à la majorité qualifiée en matière de coopération administrative et de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale illégale, s'agissant respectivement des taxes sur le chiffre d'affaires (TVA) et des accises, d'une part, et de l'impôt sur les sociétés, d'autre part. Plus précisément, les dispositions supprimées prévoyaient une telle faculté lorsque le Conseil constatait à l'unanimité que les mesures proposées concernaient bien la coopération administrative ou la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale illégale. Le maintien de l'unanimité en matière fiscale a constitué l'une de ces « lignes rouges » défendues par le Royaume-Uni, dont le respect conditionnait l'accord britannique sur la Constitution. S'agissant des travailleurs migrants, la Constitution prévoit la possibilité d'une clause d'appel au Conseil européen pour tout Etat qui estimerait qu'un projet de loi ou de loi-cadre européenne porterait atteinte à l'un des « aspects fondamentaux » de son système de sécurité sociale (champ d'application, équilibre financier, structure financière, coût). L'activation de cette clause d'appel a pour effet de suspendre la procédure législative ordinaire. Dans un délai de quatre mois, le Conseil européen peut : - soit renvoyer le projet au Conseil de l'Union, ce qui met fin à la suspension de la procédure législative ; - soit demander à la Commission de préparer un nouveau projet. A la différence de la procédure applicable à la coopération judiciaire en matière pénale, ce frein utilisé par un Etat membre n'est pas compensé par une « clause d'accélérateur » ouvrant droit à la formation d'une coopération renforcée. Le cadre financier pluriannuel constitue la clef de voûte du système financier de l'Union, car il fixe pour au moins cinq ans les plafonds annuels de dépenses classées par grandes rubriques. Il est jusqu'à présent décidé par le Conseil européen, puis formalisé par un accord interinstitutionnel entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission. Le projet de la Convention visait à intégrer le cadre financier pluriannuel dans le droit commun, en l'adoptant à la majorité qualifiée du Conseil, après avis conforme du Parlement européen, à l'exception du cadre financier 2007-2013, qui devait encore être décidé à l'unanimité. Plusieurs Etats, dont la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, se sont opposés à ce projet d'adoption des perspectives financières à la majorité qualifiée, souhaitant que le Parlement européen ne dispose que d'un pouvoir consultatif et que la règle de l'unanimité soit définitivement confirmée par la Constitution. Le texte adopté lors du Conseil européen prévoit effectivement la fixation du cadre financier pluriannuel par le Conseil statuant à l'unanimité après approbation du Parlement européen. Toutefois, l'adoption du cadre financier pluriannuel pourra passer à la majorité qualifiée si le Conseil européen en décide ainsi à l'unanimité. Les modifications apportées par la Conférence intergouvernementale s'agissant de la définition et de la mise en œuvre des politiques de l'Union ont une portée significative et représentent, dans certains cas, des avancées réelles par rapport au projet de la Convention. 1) L'instauration d'une clause sociale transversale (article III-2 bis) En progrès par rapport au texte de la Convention, la Constitution instaure une clause sociale transversale (article III-2 bis) imposant à l'ensemble des politiques et actions de l'Union le respect d'exigences sociales « liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale ainsi qu'à un niveau élevé d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine ». Il s'agit là de la synthèse d'éléments (dont certains sont au demeurant améliorés) jusqu'alors dispersés dans le cadre des dispositions relatives aux différentes politiques de l'Union L'inscription de cette clause signifie que toute mesure législative ou réglementaire européenne contraire à ces objectifs pourrait être annulée par la Cour de Justice de l'Union européenne. Une déclaration interprétative de l'article III-107 sur la coopération des Etats membres dans les domaines de la politique sociale indique que les différents aspects de la politique sociale (emploi, droit du travail et conditions de travail, formation et perfectionnement professionnels, sécurité sociale, protection contre les accidents et les maladies professionnels, hygiène du travail, droit syndical et négociations collectives entre employeurs et travailleurs) relèvent essentiellement des Etats membres et que les actions d'encouragement à la coopération et de coordination qui incombent à la Commission sont de nature complémentaire. Cette déclaration précise bien que celles-ci n'ont pas vocation à harmoniser les systèmes nationaux. Elle rappelle également que la teneur de la responsabilité qui incombe en la matière aux partenaires sociaux n'est pas affectée par ce même article. In fine, elle étaye l'équilibre du texte de la Constitution en matière sociale, en confirmant, si besoin était, que cette déclaration ne porte pas atteinte aux compétences qui sont reconnues à l'Union « y compris dans le domaine social ». La portée des « prescriptions minimales » prévues par l'article III-104 dans le domaine social ne saurait donc en être altérée. 2) La constitutionnalisation du sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi (article I-47) En complément de la clause sociale transversale, l'article I-47 consacre le rôle des partenaires sociaux et promeut le renforcement du dialogue social en inscrivant, dans la Constitution, l'existence du sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi.
- mention du « plein emploi », du « progrès social », de la « cohésion
économique, sociale et territoriale » parmi les objectifs de l'Union (article I-3) ; 1) Eurojust et le Parquet européen (articles III-174 et III-175) a) Les compétences d'Eurojust (article III-174) Le texte de la Convention prévoyait un renforcement des compétences d'Eurojust, auquel le législateur européen aurait pu confier « le déclenchement et la coordination de poursuites nationales » (art. III-174), alors qu'actuellement Eurojust ne peut que demander aux autorités nationales d'entreprendre une enquête ou d'engager des poursuites. Selon le texte adopté par la Conférence intergouvernementale, Eurojust pourra proposer le déclenchement des poursuites. Ses compétences en matière de déclenchement d'enquêtes pénales et de coordination des enquêtes et des poursuites demeurent en revanche inchangées. b) Un parquet européen aux compétences plus limitées (article III-175) L'autorisation de créer un parquet européen à partir d'Eurojust, qui figurait à l'article III-175 du projet de la Convention, a été contestée par certains Etats membres (le Royaume-Uni en particulier), qui ont obtenu que les compétences de ce parquet européen soient limitées à la protection des intérêts financiers de l'Union (alors que le texte de la Convention visait l'ensemble de la criminalité grave ayant une dimension transfrontière). Le Conseil européen pourra cependant étendre cette compétence, par une décision prise à l'unanimité, à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière. Le texte précise que cette extension pourra être réalisée « simultanément ou ultérieurement » à la création du parquet. 2) La dérogation supplémentaire accordée au Royaume-Uni et à l'Irlande Actuellement, le Royaume-Uni et l'Irlande ne participent pas aux mesures adoptées en application du titre IV du traité instituant la Communauté européenne (visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes). Le protocole sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande annexé au traité d'Amsterdam, qui prévoit cette dérogation (qualifiée d'opt out), leur confère cependant la possibilité de décider, au cas par cas, de participer à l'adoption et à l'application de certaines mesures (opt in). La Convention n'avait apporté aucune modification à ce protocole. La Conférence
intergouvernementale a en revanche étendu son champ d'application, afin d'y inclure une partie de la coopération policière, relative à la collecte, au stockage,
au traitement, à l'analyse et à l'échange d'informations (article Les chefs d'Etat et de gouvernement ont apporté de légères améliorations au projet de la Convention sur la gouvernance économique, et ont modifié les pouvoirs de la Commission. 1) Les dispositions propres aux Etats membres de la zone euro (articles III-88 et III-91) La Constitution accorde une certaine autonomie et une reconnaissance officielle à l'eurogroupe. Les pays membres de la zone euro pourront adopter à la majorité qualifiée des mesures visant à renforcer la coordination de leur discipline budgétaire et la surveillance de celle-ci, ainsi qu'à élaborer des orientations de politique économique. Les membres de l'eurogroupe pourront adopter des positions communes à la veille de réunions financières internationales et, sur proposition de la Commission, décider d'une représentation unique de l'eurogroupe au sein des institutions et conférences financières internationales. Comme l'avait demandé la France, les droits de vote des pays n'appartenant pas à la zone euro seront suspendus, en Conseil Ecofin, lorsque seront à l'ordre du jour l'adoption des « grandes orientations de politique économique » concernant la zone euro, les mesures relatives à l'usage de l'euro ou les moyens de remédier aux déficits excessifs d'un Etat. Il faut souligner que le Conseil européen a validé la proposition de doter l'eurogroupe d'un président stable élu pour un mandat de deux ans et demi. 2) L'adhésion de nouveaux pays à l'euro (article III-92) Conformément au souhait exprimé par la France et par plusieurs Etats membres de la zone euro, et contrairement à ce que prévoyait le projet de la Convention, un nouvel article III-92, paragraphe 2, accorde aux seuls membres de l'eurogroupe un droit de recommandation préalable à la décision du Conseil Ecofin pour l'adhésion d'un nouveau pays à la zone euro, à la majorité des 3/5 de la population de la zone euro. Mais, c'est le Conseil des ministres qui continuera à prendre la décision sur proposition de la Commission et après avis du Parlement européen. Le Royaume-Uni pourra donc toujours formellement s'opposer à l'admission d'un nouveau pays dans la zone euro. 3) La déclaration sur le Pacte de stabilité et de croissance Dans une déclaration à inscrire à l'Acte final, et qui complète l'article III-76, qui n'est pas modifié par ailleurs, le Conseil européen donne son accord à une réforme du Pacte de stabilité et de croissance, sans pour autant préjuger du débat futur sur l'avenir de ce pacte, tout en consacrant la nécessité de la coordination des politiques économiques et monétaires, dans le but d'éviter des déficits excessifs, de renforcer le potentiel de croissance et de garantir des situations budgétaires saines. La déclaration réaffirme également son attachement aux objectifs de la stratégie de Lisbonne en matière de création d'emplois et de réformes structurelles. Elle invite les Etats membres à tirer parti des périodes de reprise économique et de forte croissance pour adopter un comportement vertueux et en profiter pour consolider leurs finances publiques, afin de faire face à un éventuel retournement conjoncturel. 4) Les mesures relatives aux déficits excessifs (article III-76 §6) La Constitution, dont l'article III-76 consacre la nécessité de la coordination des politiques économiques et monétaires dans le but d'éviter des déficits excessifs, maintient le mécanisme de sanctions à l'encontre des Etats membres qui dépasseraient la valeur de référence. Mais, à la demande de l'Allemagne, soutenue en particulier par la France, l'Italie, la Grèce et la Pologne, et malgré la résistance des Pays-Bas, la Commission est simplement autorisée à présenter des recommandations, librement amendables par le Conseil, et non plus à formuler des propositions modifiables uniquement à l'unanimité, pour le constat d'un déficit excessif. En à peine un an - depuis la fin des travaux de la Convention, en juillet 2003 -, l'Europe de la Défense a davantage progressé qu'en cinquante ans, depuis l'échec de la Communauté européenne de Défense, en 1954. Après l'accord politique conclu lors du Conseil européen du 12 décembre 2003, le Conseil de l'Union a formellement adopté, le 14 juin dernier, les statuts de l'Agence européenne de défense qui devrait être opérationnelle dès la fin de l'année. Il s'agit là d'une création par anticipation puisque la Constitution prévoit son institution à l'article I-40 § 3. Avec le Protocole sur la coopération structurée permanente, la Conférence intergouvernementale est allée au-delà des ambitions initiales formulées par la Convention, tout en ouvrant à l'ensemble des pays de l'Union - dans le respect du caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres -, la participation à tous les aspects de la politique de sécurité et de défense commune. 1) Les précisions apportées à la clause de défense mutuelle (article I-40) L'article I-40 instaure une clause de défense mutuelle dans le cas où un Etat membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire. La Conférence intergouvernementale a apporté une précision qui mentionne que cette clause « n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres ». Cette disposition vise les Etats neutres de l'Union européenne que sont l'Autriche, la Finlande, l'Irlande et la Suède. Une précision a également été ajoutée visant à garantir la compatibilité de cette clause avec les engagements souscrits au sein de l'OTAN « qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en œuvre ». Initialement réservée aux seuls Etats membres participant à une « coopération plus étroite en matière de défense », la Conférence intergouvernementale a généralisé la clause de défense mutuelle à l'ensemble des Etats membres de l'Union. Mais dans la mesure où celle-ci « n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres », sa rédaction est désormais moins contraignante que ce que proposait la Convention. En effet, en cas d'agression contre un Etat membre, les autres lui « doivent aide et assistance » et non plus lui « portent aide et assistance », puisque les moyens militaires ne sont plus explicitement mentionnés. 2) Le régime juridique de la « coopération structurée permanente » (article III-213) Au regard du projet initial élaboré par la Convention, la Conférence intergouvernementale a apporté de substantielles modifications. Certaines représentent de réelles avancées. Le régime des coopérations structurées est sensiblement modifié dans la mesure où la Convention prévoyait une entrée en vigueur automatique des coopérations structurées dès l'entrée en vigueur de la Constitution. La liste des Etats participants devait en effet être inscrite dans un protocole annexé à la Constitution. La solution finalement retenue par la Conférence intergouvernementale précise que le lancement d'une coopération structurée est subordonné à une décision du Conseil statuant à la majorité qualifiée, y compris en ce qui concerne la liste des Etats participants. Quant à l'admission ultérieure d'un nouveau membre à une coopération structurée existante, elle sera soumise à un vote à la majorité qualifiée - et non plus à l'unanimité - des seuls membres participants. Il ressort donc de ces nouvelles règles qu'il sera plus facile de rejoindre une coopération structurée, une fois qu'elle sera lancée. En outre, l'Europe de la défense associera désormais l'ensemble des Etats membres, ce qui n'est pas négligeable en terme de capacité d'impulsion. En effet, bien que seuls les Etats participant à une coopération structurée prendront part aux décisions prises dans le cadre de celle-ci, les délibérations devront se faire en présence de tous les Etats membres. 3) Les objectifs de la coopération structurée permanente : une étape supplémentaire vers une défense intégrée (protocole sur la coopération structurée permanente) La Convention avait laissé à la Conférence intergouvernementale le soin de rédiger le Protocole sur la coopération structurée permanente établie par les articles I-40 §6 et III-213 de la Constitution, dans lequel devait initialement figurer la liste des Etats participants. Le protocole finalement adopté, s'il n'établit pas une telle liste, comporte néanmoins des avancées fondamentales vers une défense européenne intégrée. Tout en rappelant que la politique de sécurité et de défense commune de l'Union n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres, ce protocole définit les objectifs de la coopération structurée permanente. Parmi ces objectifs, il convient notamment de mentionner la spécialisation des moyens et capacités de défense ainsi que la disponibilité, l'interopérabilité, la flexibilité et la déployabilité des forces, au moyen de l'identification d'objectifs communs en matière de projection de forces, y compris éventuellement en réexaminant les procédures décisionnelles nationales. Ces objectifs, s'ils sont atteints, devraient permettre à l'Union de constituer, en son sein, l'embryon d'une véritable politique de défense intégrée, dont l'instauration relèvera d'une décision du Conseil européen à l'unanimité. * * * Après la Convention puis la Conférence intergouvernementale, le Traité constitutionnel, qui devrait être signé à Rome en novembre prochain, amorce une nouvelle étape de son histoire puisqu'il doit désormais, pour entrer en vigueur, être ratifié à l'unanimité des vingt-cinq Etats membres. Plus que jamais, l'heure est donc à l'explication et à un large débat que j'appelle de mes vœux. Le chemin de la ratification est semé d'embûches et il est de la responsabilité de la classe politique, dans son ensemble, d'animer un débat serein et loyal sans céder à la tentation démagogique. Le choix de l'instrument de ratification appartient au Président de la République et à lui seul. Quelle que soit sa décision, il serait opportun que cette ratification puisse avoir lieu au même moment (la même semaine ou le même mois) dans tous les pays de l'Union européenne. Nul ne peut objectivement contester les avancées de la Constitution : président stable du Conseil européen, ministre des Affaires étrangères, intégration de la Charte des droits fondamentaux, instauration d'une clause sociale applicable à l'ensemble des politiques européennes, renforcement du rôle des parlements nationaux ... Les principaux équilibres du projet de la Convention n'ont pas été remis en cause par les gouvernements. Tant à la Convention qu'au sein de la CIG, la France a proposé et soutenu ces réformes qui sont aujourd'hui soumises à l'approbation des peuples. Chacun doit pouvoir défendre ses positions, et ceux qui sont convaincus que le destin de la France se trouve en Europe doivent faire preuve d'enthousiasme et de lucidité, car loin d'être une contrainte, l'Europe est surtout une chance. {texte de la conclusion...} · Réunion du mardi 25 mai 2004 : audition de M. Pierre Sellal, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne Le Président Pierre Lequiller a remercié M. Pierre Sellal d'avoir accepté de venir s'exprimer devant la Délégation pour l'Union européenne afin d'exposer l'état d'avancement des négociations en cours sur le projet de Constitution européenne. Après s'être déclaré honoré par cette invitation, M. Pierre Sellal a présenté un état des lieux à propos des questions actuellement débattues au sein de la Conférence intergouvernementale (CIG). L'échéance est désormais très proche, puisque les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé, lors du Conseil européen de mars dernier, de se fixer l'objectif d'achever les négociations en juin. Cette expression d'une volonté commune d'aboutir est importante en soi : en quelques mois, le climat a sensiblement changé. Alors qu'il semblait audacieux de spéculer sur la possibilité d'un accord en 2004 à l'issue du Conseil européen de Bruxelles de décembre dernier, un regain de mobilisation et de volontarisme s'est manifesté depuis mars, imputable à plusieurs facteurs : certains changements de gouvernement, la conscience plus aiguë du besoin d'une action collective européenne plus déterminée dans des domaines comme la lutte contre le terrorisme, le constat des faiblesses persistantes de l'économie européenne, la réalité de l'élargissement, le souci de prévenir les effets délétères d'une négociation institutionnelle indéfiniment prolongée, etc. C'est ainsi que sans avancer de propositions sur le fond du texte, la présidence irlandaise a su habilement concentrer ses efforts sur la formation d'un consensus sur l'objectif d'aboutir en juin. Pour autant, même si un accord paraît plus proche qu'il ne l'a jamais été, il serait excessif de considérer que la négociation a progressé vers un texte acquis à 99 %, en particulier sur les questions les plus importantes. En effet aboutir à un accord sur un traité constitutionnel n'est pas une fin en soi ; encore faut-il que celui ci donne effectivement à l'Union les moyens d'agir qui lui sont indispensables. La France continue à défendre à cet égard un haut niveau d'exigence, fondé sur les propositions de la Convention. Les difficultés qu'il faudra régler au stade final - c'est-à-dire probablement lors du Conseil européen des 17 et 18 juin - apparaissent clairement. Les nombreux points acquis ne sont plus évoqués et les débats se focalisent désormais sur les questions les plus sensibles, selon une procédure d'approximation progressive engagée par la présidence irlandaise afin de se rapprocher d'une proposition globale acceptable par tous. La présidence entend continuer à procéder essentiellement par contacts directs avec les délégations, et évitera de soumettre publiquement ses propositions trop tôt, de crainte notamment que celles-ci ne deviennent la cible de polémiques à quelques jours des élections au Parlement européen. Les deux derniers grands chapitres de négociations concernent d'une part un groupe de questions institutionnelles, parmi lesquelles les deux principales concernent les modalités de vote au Conseil et la composition de la Commission, et d'autre part, l'étendue du champ du vote à la majorité qualifiée. S'agissant des questions institutionnelles, les enjeux sont connus depuis longtemps. Déjà lors du débat de ratification du traité d'Amsterdam, l'Assemblée nationale avait souligné son attachement à ce que la pondération des voix au Conseil soit révisée en faveur des pays les plus peuplés. Cette repondération a, dans une certaine mesure, été entreprise à Nice puis de nouveau abordée au sein de la Convention qui a proposé un mécanisme dit de double majorité : une décision suppose la réunion à la fois de 50 % des Etats et de 60 % de la population. Ce schéma a le mérite de bien traduire la double réalité européenne -Union d'Etats et union des peuples- ; d'assurer une juste prise en considération des réalités démographiques ; enfin de faciliter la prise de décision pour plus d'efficacité, en augmentant le nombre de « coalitions gagnantes » de 2 % à 3 % dans le système de Nice à 22 % à 23 % avec le projet de traité constitutionnel. Cependant ce dernier critère, faciliter la prise de décision, ne saurait être ni exclusif, ni absolu, et il ne peut être question d'abaisser indéfiniment les seuils ; il est essentiel qu'une décision soit légitime pour être pleinement acceptée ; et la France entend que le Conseil de l'Union préserve son pouvoir politique, c'est-à-dire sa capacité de contrôle, d'approbation et d'amendement des propositions de la Commission. En ce qui concerne plus particulièrement la pondération relative entre les Etats membres, le critère de la population tient compte de la population des Etats alors que tout mécanisme de pondération des voix écrase les écarts démographiques. Ainsi, selon les règles encore en vigueur aujourd'hui, la France dispose de 10 voix au Conseil contre 2 au Luxembourg, ce qui ne reflète évidemment pas l'écart de population. Le Traité de Nice n'a opéré qu'un rééquilibrage partiel entre les « grands » et les « petits » pays ; celui-ci ayant trouvé une limite dans le maintien d'une parité entre la France et l'Allemagne : il était difficile de neutraliser en termes de nombre de voix l'écart de population entre l'Allemagne et la France tout en demandant aux pays les moins peuplés d'accepter une diminution de leur poids relatif. Globalement, la prise en compte du critère démographique se révèle favorable à la France : son poids relatif dans la prise de décision augmente sensiblement avec la proposition de la Convention par rapport au Traité de Nice, même s'il est vrai que celui de l'Allemagne, plus peuplée, augmente un peu plus. En revanche, certains Etats - l'Espagne et la Pologne en première ligne, mais aussi plusieurs « petits » pays - s'estiment lésés par le projet de traité constitutionnel. Il est vrai que l'Espagne est sensiblement avantagée par l'accord conclu à Nice, qui lui conférait un nombre de voix très proche de celui de la France ou de l'Allemagne. C'est essentiellement pour cette raison que M. José Maria Aznar avait refusé le principe même de la double majorité. A Nice, la Pologne a obtenu une assimilation de sa situation à celle de l'Espagne, ce qui explique qu'elle partage les réserves longtemps émises par cette dernière. La Pologne justifie également sa position par le fait qu'elle n'a pas ratifié facilement son adhésion à l'Union européenne, adhésion réalisée sur la base du traité de Nice, et qu'il serait donc difficile d'expliquer à la population ce changement des règles du jeu après quelques mois. Il importe de signaler, néanmoins, que le nouveau Gouvernement de M. José Luis Rodríguez Zapatero a accepté, lors de la dernière réunion ministérielle, pour la première fois, le principe de la double majorité, tout en souhaitant que le seuil relatif à la population soit porté à 2/3. La Pologne a pour sa part plaidé pour l'instauration d'un mécanisme de garantie, qui, selon elle, devrait pouvoir être mis en œuvre quand ses intérêts fondamentaux seraient menacés. Les modalités de mise en œuvre du principe de la double majorité sont également contestées par certains des pays moins peuplés, qui souhaiteraient atténuer les effets du poids démographique des « grands pays » dans la prise de décision, ce qui peut être obtenu soit en relevant le seuil relatif au nombre d'Etats, soit en établissant les deux seuils, population et nombre d'Etats, au même niveau. Ils assurent que cette deuxième solution, un même seuil, serait en outre plus « lisible » et compréhensible pour l'opinion. Une telle revendication ne peut être satisfaite : si les seuils sont fixés trop bas, le Conseil perd son pouvoir politique et le système de décision n'est plus juste, car il ne tient plus compte de la démographie ; s'ils sont fixés trop haut, c'est l'efficacité de la prise de décision qui en pâtit. C'est pourquoi la France reste convaincue que la proposition de la Convention reste la meilleure expression de l'équilibre à trouver entre les différents objectifs à poursuivre ; elle n'exclut pas un ajustement limité de ses composantes, ou de les compléter par des aménagements techniques, mais à la condition d'en préserver rigoureusement l'esprit et les vertus. M. Pierre Sellal a ensuite abordé le problème de la composition de la Commission. Depuis longtemps, la France considère qu'une Commission comprenant trop de commissaires n'aurait plus la capacité d'exercer effectivement sa mission : exprimer l'intérêt général européen. Elle risque en effet de glisser, de façon insidieuse, d'un organe collégial vers une structure intergouvernementale. Le premier risque est celui de l'inefficacité . Le second est celui d'un fonctionnement erratique, puisque la Commission serait la seule institution n'ayant aucune pondération en son sein. Le risque ultime, c'est la perte de toute légitimité et donc de toute autorité de ses décisions. Il faut prévenir à la fois cette inflation des membres de la Commission et ce risque de dérive intergouvernementale et poser le principe, comme le prévoit d'ailleurs le traité de Nice, d'un nombre de commissaires inférieur à celui des Etats membres. La France est favorable à une réduction franche de ce nombre de commissaires, qui pourrait être fixé à quinze, et souhaite que cette réforme intervienne au plus vite, dès 2009, c'est à dire pour la Commission qui succédera au collège qui entrera en fonction le 1er novembre prochain. En effet, l'Union a besoin d'une Commission efficace, et il serait dommageable, et difficilement explicable lors des procédures de ratification, qu'une réforme aussi nécessaire doive attendre 2014 pour se concrétiser. Le Président Pierre Lequiller a souligné que l'obtention d'une réduction du nombre des commissaires constituerait une avancée importante, dans la mesure où cette question a constitué une réelle difficulté lors des travaux de la Convention européenne. M. Michel Herbillon a considéré qu'un report de cette réforme à 2014, par exemple, serait excessif et pourrait conduire à une absence d'application. M. Jérôme Lambert a remarqué, néanmoins, que cette phase transitoire pourrait certainement permettre de constater l'inadaptation d'une Commission trop nombreuse et imposer aux yeux de tous la nécessité d'une révision de sa composition. M. Pierre Sellal a indiqué que la présidence irlandaise pourrait éventuellement suggérer, comme certains Etats l'ont déjà envisagé, l'institution d'une clause de rendez-vous permettant de réexaminer cette question dans quelques années. La France attache cependant une grande importance à une décision franche pour un collège restreint ; une Commission forte, capable d'exercer ses compétences dans les meilleures conditions, est de l'intérêt de notre pays comme de celui de l'Union. Le second grand enjeu des négociations finales porte sur le champ de la majorité qualifiée. L'attention se concentre sur quelques sujets clés. Il faut d'ailleurs se souvenir que le vote à la majorité qualifiée s'applique depuis longtemps en matière d'agriculture, de politique commerciale ou de budget. La Convention a essayé de progresser dans les domaines de la fiscalité, de l'Europe sociale, de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et surtout de l'espace de sécurité et de justice (JAI). De nombreux Etats sont hostiles au principe même du recours à la majorité qualifiée en matière fiscale. Il est peu probable que des progrès significatifs soient enregistrés sur ce point, ce qui rendra indispensable des coopérations renforcées, comme celle qui s'esquisse sur l'assiette de l'impôt sur les sociétés entre la France et l'Allemagne. De vives résistances sont également apparues à la Convention, et se sont confirmées à la conférence, sur l'extension de la majorité qualifiée en matière sociale, par crainte de porter atteinte à la spécificité des systèmes nationaux de sécurité sociale, ou aux particularités de certains en matière d'organisation de la représentation des travailleurs. On a aussi observé que certains peuvent être à la fois désireux d'harmonisation en matière sociale, et inquiets des risques inhérents à des décisions à la majorité qualifiée. La France œuvre pour le meilleur résultat possible dans ce domaine, même si la négociation ne permettra peut-être que des progrès limités par rapport à Nice, sur la coordination des régimes de sécurité sociale pour les travailleurs migrants ou la définition d'un socle minimal d'harmonisation en matière de garantie des travailleurs en cas de rupture du contrat de travail. Lors des travaux de la Convention, la France a souhaité la possibilité de décider à la majorité qualifiée dans certains domaines relevant de la politique étrangère (lorsque le Conseil statue sur une proposition du ministre européen des affaires étrangères). Mais de nombreux Etats membres continuent de s'y opposer. Le domaine JAI constitue une priorité dans la négociation : les progrès réalisés dans ce domaine par la Convention sont importants et les exigences d'action collective sont fortes. La lutte contre le terrorisme et la grande criminalité nécessitent la mise en place rapide d'instruments efficaces, ce qui est impossible ou très difficile à l'unanimité. Il faut à la fois se fixer des objectifs ambitieux, par exemple en matière de coopération judiciaire, d'aide aux victimes, d'harmonisation des sanctions, et se donner les moyens de les atteindre en décidant, si nécessaire, à la majorité qualifiée. A tout le moins doit-on éviter que l'obstruction de quelques-uns uns interdisent aux autres d'agir ensemble s'ils en ont la volonté ; si nécessaire, des mécanismes idoines devront être prévus à cette fin. Le Président Pierre Lequiller s'est interrogé sur les raisons de l'opposition des Britanniques au passage à la majorité qualifiée en matière de lutte contre le terrorisme et la grande criminalité, dans la mesure où l'attentat de Madrid a confirmé la gravité de la menace qui pèse sur les Etats européens, et où le Royaume-Uni est considéré comme l'allié le plus proche des Etats-Unis, notamment en Irak. L'opinion publique britannique doit certainement comprendre la nécessité d'une plus grande coopération en matière de sécurité au sein de l'Union européenne. Le Président Pierre Lequiller s'est également déclaré favorable au recours à la procédure d'« opting-out », qui a déjà été utilisée, et aux coopérations renforcées, qui sont d'ailleurs expressément prévues par le traité constitutionnel. M. François Guillaume a observé que, dans le traité de Nice, l'Allemagne avait obtenu une augmentation du nombre de ses députés européens, tandis qu'elle avait accepté le même droit de vote que la France au sein du Conseil. Bien que le projet de Constitution prévoie une modification des droits de vote au Conseil, la France va finalement conserver un nombre de députés européens inférieur à celui de l'Allemagne. Concernant la composition de la Commission, il n'est pas acceptable que la France n'ait aucun commissaire pendant certaines périodes. Par ailleurs, on peut s'interroger sur la nécessité de prévoir des décisions à la majorité qualifiée en matière fiscale. Une autre interrogation concerne l'autorité dont disposera le Président du Conseil européen, s'il doit coexister avec un ministre des affaires étrangères de l'Union européenne. Enfin, il n'est pas souhaitable que le Parlement européen ait le dernier mot en matière budgétaire, ce qui risque d'affecter notamment les décisions concernant la politique agricole commune. M. Jérôme Lambert a souligné que, malgré l'optimisme dont fait preuve M. Pierre Sellal, la liste des difficultés qu'il a dressée est préoccupante. A cet égard, la question de la procédure de révision de la Constitution est importante car il devrait être possible de reporter les réformes suscitant des blocages. Par ailleurs, concernant la lutte contre le terrorisme, il est étonnant que soit toujours cité l'exemple de l'attentat de Madrid, car celui-ci n'impliquait pas directement d'autres Etats européens. M. Jacques Floch a estimé que les Etats membres devaient user avec prudence des possibilités d'« opting-out » car celles-ci menacent l'existence même de l'Union. De même, les coopérations renforcées risquent d'aboutir à une Europe à la carte, comme c'est déjà le cas en matières fiscale et sociale. A cet égard, M. Jacques Floch a interrogé M. Pierre Sellal sur l'état des négociations sur les dispositions sociales du projet de la Constitution. Il a également interrogé l'ambassadeur sur le débat qui est réapparu au sujet de l'inscription de la référence à l'héritage chrétien dans la Constitution. Il a estimé que celle-ci était inacceptable pour la France. M. Jacques Myard a considéré que la prise en compte du poids démographique des Etats dans les mécanismes de décisions du Conseil était une erreur et a regretté que le principe de l'égalité des « grands Etats » soit remis en cause. Concernant la composition de la Commission, il est possible de maintenir un commissaire par Etat, si le Président dispose d'une réelle autorité. Par ailleurs, l'extension du champ de la majorité qualifiée est dangereuse : la France et l'Allemagne réunies ne peuvent s'opposer à une décision. Enfin, dans le contexte de la monnaie unique, l'harmonisation fiscale n'est pas souhaitable car elle réduit les marges de manœuvre en matière de politique conjoncturelle. M. Michel Herbillon a souhaité connaître les chances réelles de parvenir à un accord en juin, compte tenu des questions non résolues qui restent encore en discussion. Il s'est interrogé sur les risques de concessions et d'échanges de dernière minute, par exemple entre le seuil de la majorité qualifiée et son champ d'application, ou que certaines questions resurgissent, comme celle de la référence à l'héritage chrétien dans le préambule. M. Michel Herbillon a également demandé quel est le nouveau régime linguistique applicable aux réunions du Conseil, si les régimes applicables en matière de PESC et au COREPER ont été pérennisés, quelles sont les règles applicables aux différents groupes de travail et si le système du paiement à la demande a été adopté. M. Robert Lecou a estimé que le projet de Constitution européenne risque de devenir difficilement compréhensible par nos concitoyens. Il s'est interrogé sur la nécessité d'adopter immédiatement ce texte, et sur l'opportunité d'une période transitoire après l'élargissement, qui représente déjà un bouleversement sans précédent. Mme Anne-Marie Comparini a considéré que l'Europe est entrée dans une phase politique et que la politique étrangère et de sécurité commune devrait par conséquent constituer une priorité, alors qu'elle semble négligée. Elle a souhaité savoir quelle serait l'articulation entre le ministre des affaires étrangères de l'Union européenne et le président du Conseil européen. Le Président Pierre Lequiller a indiqué avoir l'impression que les négociations ont beaucoup progressé, par exemple en ce qui concerne la composition de la Commission européenne. La perspective d'une Commission réduite constituerait une avancée importante, qui éviterait une dérive intergouvernementale de cette institution dont les « petits » Etats membres seraient les premiers à souffrir. M. Pierre Sellal a apporté les éléments de réponse suivants : - il est effectivement indispensable que le texte final soit aussi compréhensible et clair que possible, et constitue une simplification par rapport aux traités actuels. C'est l'un des enjeux de l'élaboration de ce « traité constitutionnel ». Il faut rappeler les avancées apportées par le projet actuel à cet égard : texte unique se substituant aux traités antérieurs, fusion de la Communauté européenne et de l'Union européenne, disparition des trois anciens «piliers », etc ; - l'importance des points restant en discussion ne doit pas être sous-estimée et il n'est pas question de parvenir à un accord à n'importe quel prix. Mais il existe un état d'esprit global positif, donc de fortes chances d'aboutir. Aucun gouvernement ne semble prêt à assumer, seul, la responsabilité de mettre en échec à nouveau les négociations, et une certaine lassitude a fait son apparition, qui peut avoir des effets positifs si elle émousse les résistances et non le niveau d'ambition ; mais il peut toujours y avoir un blocage ; - la position britannique en matière de justice et d'affaires intérieures peut sembler paradoxale, parce que le Royaume-Uni est très actif en matière de coopération policière, par exemple, et partage les intérêts des autres Etats membres quand il s'agit de mieux protéger la population ou de lutter contre la criminalité et le terrorisme. Par ailleurs, il est clair que la coopération opérationnelle entre services de police relève davantage d'un cadre intergouvernemental, bilatéral ou plus étendu. Mais l'adoption de règles communes ou d'instruments normatifs, par exemple pour prévenir l'immigration illégale, lutter contre le blanchiment, faciliter l'exécution des jugements dans toute l'Europe est tout aussi indispensable ; et elle ne peut se faire efficacement que dans le cadre des institutions européennes. Les réticences britanniques s'expliquent par le souci de préserver certaines spécificités des procédures nationales, notamment en matière pénale, et par une sensibilité prêtée à l'opinion sur ces sujets. Notre souhait et notre intérêt sont que le Royaume-Uni participe pleinement à l'espace de liberté, de sécurité et de justice ; mais si ceci ne devait être possible qu'au prix de procédures trop contraignantes, ou en réduisant la portée de ce qui peut être réalisé en commun, la priorité doit être de ne pas entraver la possibilité pour ceux qui en ont la volonté d'agir et de progresser ensemble ; - la parité de voix entre la France et l'Allemagne était en effet une pierre angulaire de l'Europe des six, fondée sur la réconciliation franco-allemande. Cinquante ans d'histoire européenne , de coopération franco-allemande et les élargissements successifs ont cependant changé la donne ; le problème central du système de décision dans l'Union à trente membres, c'est : comment être à la fois efficace et légitime , quand les onze pays les moins peuplés ne représentent que 6,7% de la population de l'Union (à 27 membres) ; la question de la relation entre les « grands » Etats membres est devenue un peu secondaire au regard de cette évolution. A Nice, les négociateurs ont tenté de corriger l'insuffisante prise en compte de la population tout en maintenant l'égalité, au Conseil, entre la France et l'Allemagne ; il en est résulté un système imparfait. Un choix différent a été opéré lors de la Convention avec la double majorité qui, tout en ménageant les droits de chaque Etat (c'est le rôle du premier seuil) confère aux pays les plus peuplés un poids en harmonie avec la réalité démographique. Il est incontestable que la France y gagne, en termes de poids relatif et d'influence par rapport à l'ensemble du Conseil, en dépit de l'écart avec l'Allemagne qui en résulte. Au Parlement européen, la question de la répartition des sièges entre Etats n'est pas encore complètement réglée. Certaines redistributions sont évoquées, qui pourraient se traduire par une moindre différence de sièges entre l'Allemagne et la France ; - penser que le système reposant sur un commissaire européen par Etat membre est le meilleur garant des intérêts de la France est un mauvais calcul. Il est inspiré par l'idée qu'un commissaire représenterait des intérêts nationaux. Si tous devaient être guidés par le même principe, c'en est fini d'un collège réputé dégager un intérêt général européen, c'est un Conseil bis qui se met en place, qui plus est sans aucune pondération en son sein. Une Commission pléthorique, intergouvernementale et inefficace serait le cas de figure le plus négatif, pour la France comme pour l'Union. Car s'il est fait par tous les autres Etats membres, la Commission sortira très affaiblie d'un tel schéma. Ainsi, il vaut mieux, pour la France, que la Commission conserve, grâce à la collégialité, sa capacité de proposition. Quant à l'argument qui rappelle que des gouvernements composés de nombreux ministres peuvent constituer des équipes efficaces, il doit être relativisé car les deux « équipes » ne sont pas comparables ; en effet, la Commission n'est pas un « gouvernement » dans la mesure où, à l'inverse de ce dernier, ses membres ne sont pas liés par des solidarités de nature politique, et l'autorité du président de la Commission n'est pas celle d'un Premier ministre ; - s'agissant de la fiscalité, la mise en œuvre d'une éventuelle coopération renforcée n'implique pas nécessairement que, dans ce cadre, les Etats membres prennent des décisions à la majorité qualifiée. En revanche, il ne serait pas acceptable qu'ils soient privés de cette faculté par un Etat membre qui choisirait de rester en dehors de cette coopération renforcée (c'est l'enjeu de la clause dite « passerelle » du projet de constitution). Sur le principe même de décider à la majorité qualifiée en matière de fiscalité, on peut comprendre les inquiétudes de ceux qui estiment légitime que les Etats membres gardent la main sur l'un des rares instruments de politique économique dont ils ont encore la maîtrise. Mais il faut être aussi conscient que l'absence d'harmonisation fiscale est préjudiciable dès lors qu'elle s'inscrit dans un marché unique des biens et des capitaux doté d'une monnaie unique. Elle risque en effet de multiplier les occasions de distorsion voire de dumping fiscal. Une harmonisation minimale, sur les assiettes comme sur les taux, préviendrait les risques d'évaporation fiscale vers les pays les « moins disants » sans pour autant interdire aux Etats certaines modulations en fonction de leurs choix nationaux; - s'agissant de la clause de révision du futur traité constitutionnel, les conditions ne sont guère réunies pour prévoir la possibilité de réviser le traité à la majorité même renforcée. Toutefois, ce qui est actuellement demandé par la France n'en constitue pas moins une réelle avancée, car cela permettrait, dans certains domaines sensibles, de passer d'une décision nécessitant l'unanimité à un vote à la majorité, sans convoquer une nouvelle Conférence intergouvernementale. En outre, le système envisagé conforterait le rôle des parlements nationaux, car il permettrait à ces derniers d'exercer un droit d'objection à l'encontre d'une telle évolution ; - dans le domaine social, la France a d'ores et déjà obtenu une avancée significative par rapport au texte de la Convention, qui consiste à faire de l'emploi un dénominateur et un objectif communs à l'ensemble des politiques européennes. Cette référence à l'emploi dans la Constitution européenne aura en outre une réelle portée juridique puisqu'elle pourra être invoquée devant la Cour de Justice pour contester une décision prise sur le fondement, par exemple, du droit communautaire de la concurrence. Par ailleurs, la France souhaite étendre le vote à la majorité qualifiée dans le domaine des règles minimales encadrant la rupture du contrat de travail, ce qui contribuerait à éviter le dumping social ; - en ce qui concerne la référence au christianisme, la position française est claire : la formulation proposée par la Convention est équilibrée et raisonnable ; elle doit rester en l'état ; - effectivement, le système de la double majorité ne permet pas à l'Allemagne et à la France de bloquer seuls une proposition de la Commission, mais c'est déjà le cas aujourd'hui. De plus, il est peu vraisemblable que la Commission propose délibérément un texte qui aille directement à l'encontre des intérêts communs de deux pays aussi importants ; - les risques d'échange de concessions « contre nature » au stade final de la négociation doivent être relativisés. L'idée de « paquet » final signifie avant tout que certains pays doivent comprendre qu'ils ne pourront obtenir satisfaction sur tous les points qu'ils revendiquent, qu'il s'agisse de restreindre le champ de la majorité qualifiée, ou de questions objectivement liées comme la prise en compte de la rotation égalitaire des commissaires européens et le relèvement du seuil du nombre d'Etats dans les décisions du Conseil; - la protection de la diversité linguistique reste une exigence de premier rang de la France. La pratique de notre langue constitue l'un des éléments clefs de notre influence, au moins autant que le nombre de voix détenues par la France au Conseil, car la langue est le véhicule naturel de concepts et de références. Au niveau du Conseil de l'Union, le « régime PESC », qui prévoit l'usage du français et de l'anglais sans recourir à l'interprétariat, est maintenu. Le « régime COREPER », qui repose, quant à lui, sur trois langues, avec interprétation, est également préservé. Par ailleurs, le système dit de « paiement à la demande » dans les groupes d'experts devrait conduire, de fait, à un système de langues restreint à quelques-unes, dont le français, certains pays étant prêts, dès lors qu'ils en font le choix et que cela ne leur est pas imposé, à ne pas demander à s'exprimer dans leur langue ; - s'agissant de la PESD et de la PESC, les acquis du projet de constitution ne sont pas contestés. L'Europe de la défense a progressé, à la fois sur le terrain et dans le projet de traité, alors que les avancées dans ce domaine paraissaient les plus difficiles à obtenir. Les structures communes s'étoffent progressivement, l'Europe commence à mener des opérations militaires extérieures. Dans le projet de traité, la clause de solidarité et l'agence de l'armement ont fait l'objet d'un consensus. Pour la politique étrangère, la création du poste de ministre des affaires étrangères représentera une novation importante. Mandataire du Conseil, qu'il présidera, mais aussi membre de la Commission selon la formule de la « double casquette », il apportera plus de cohérence à l'action extérieure de l'Union en ayant accès aux instruments d'action extérieure gérés par la Commission. Le Président Pierre Lequiller a tenu à remercier M. Pierre Sellal pour la précision de ses réponses, avant de souligner que la France était remarquablement représentée à Bruxelles. Le Président Pierre Lequiller a indiqué que l'audition du ministre des affaires étrangères porterait en particulier sur les travaux de la Conférence intergouvernementale relative au Traité constitutionnel à l'approche de la réunion du Conseil européen, les 17 et 18 juin, et permettrait d'évoquer d'autres sujets en pleine évolution comme l'Europe de la défense. M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, s'est tout d'abord réjoui de cette première rencontre avec la Délégation depuis sa nomination et a manifesté son souci de franchise et de disponibilité à l'égard de ses membres. La négociation sur le Traité constitutionnel de l'Union européenne a entamé la dernière ligne droite et approche du terme d'un processus commencé il y a un peu plus de deux ans à la Convention présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing, à laquelle le ministre a participé comme l'un des deux représentants de la Commission. Après l'échec de la Conférence intergouvernementale en décembre dernier, les travaux ont repris il y a quelques mois sous la présidence irlandaise de l'Union qui a fait un travail intelligent de tricotage grâce à de multiples consultations bilatérales toujours en cours. Le Taoiseach rencontrera le Président Jacques Chirac demain. Plusieurs réunions ministérielles en Conférence intergouvernementale ont également eu lieu et la toute dernière, prévue le 14 juin à Luxembourg, précédera la réunion du Conseil européen, les 17 et 18 juin à Bruxelles. Le ministre s'est félicité du climat des discussions avec la Présidence et avec nos partenaires, en particulier l'Allemagne et l'Espagne. La présidence irlandaise disposera de tous les éléments pour mettre un projet global sur la table après la dernière réunion de la CIG. On peut penser qu'elle le fera au terme de son tour d'Europe. La France a la volonté de contribuer au succès de cette négociation, le 18 juin, et d'aider la présidence irlandaise à trouver des compromis si nécessaire, tout en s'écartant le moins possible du texte de la Convention qui a réussi à proposer un projet dynamique. Les questions en suspens sont des sujets de pouvoir sur lesquels la Conférence intergouvernementale avait échoué à Amsterdam et esquissé un compromis fondé sur le plus petit dénominateur commun à Nice. Il s'agit de déterminer quelle part d'influence ou de veto chaque pays accepte de retrancher au profit de l'efficacité collective. L'intérêt de chaque Etat membre est bien entendu de garder son influence, mais dans une Europe qui fonctionne. La négociation a progressé sur la composition de la Commission et une très large majorité se dessine en faveur d'un collège restreint de quinze à dix-huit commissaires. Le mieux est qu'une décision soit prise maintenant pour fixer cette échéance. Le pire serait une clause de rendez-vous pour régler une question qu'on traitera d'autant plus difficilement qu'on sera plus nombreux. Il faut une Commission collégiale et le ministre a déduit de son expérience personnelle de Commissaire la conviction qu'elle ne peut pas fonctionner dès lors que le nombre de commissaires devient trop élevé. La collégialité place la Commission dans une situation très différente de celle d'un gouvernement. Chaque commissaire est en effet personnellement responsable de ce que font les autres et peut bloquer leurs initiatives pour négocier la proposition finale. La collégialité est un acquis de la construction communautaire qui joue le rôle d'arbitrage d'un Premier ministre entre les ministres d'un gouvernement. Elle permet aujourd'hui à vingt personnes de construire ensemble la proposition de la Commission. Dans les négociations en cours, l'idée d'une composition de dix-huit membres se dégage progressivement avec la possibilité d'une petite extension lorsque l'Union s'élargira. Le projet de Traité constitutionnel fixe la composition du Parlement européen à 736 membres et le nombre minimal de députés pour un « petit pays » à quatre, mais celui-ci pourrait remonter à cinq ou six dans un compromis global sur le paquet institutionnel. En ce qui concerne la majorité qualifiée, il faut distinguer son mode de calcul et son champ. Sur le premier point, la France part toujours du principe désormais acquis de la double majorité et a du mal à s'écarter des seuils de 50 % du nombre des Etats membres et de 60 % de la population de l'Union. Ce système est en effet simple, équitable et efficace. Mais il est probable qu'on ne s'y tiendra pas totalement et, s'il fallait absolument choisir entre ses trois avantages, c'est la simplicité qu'il faudrait plutôt laisser de côté car l'équité et l'efficacité sont essentielles. La solution pourrait consister à augmenter le seuil de la population et il faudra discuter entre 60 % et 66 %, seuil revendiqué par l'Espagne qui permettrait à ce pays ou à la Pologne de se situer de manière décisive dans les minorités de blocage. La France s'efforce de convaincre ses amis espagnols qu'un grand pays se détermine par sa capacité non pas de bloquer les autres mais de les entraîner. S'agissant du champ de la majorité qualifiée, une priorité pour la France concerne le domaine de la Justice et des Affaires Intérieures (JAI) dans lequel le Royaume-Uni prône un retour en arrière par rapport au compromis de Naples, qui représente le dernier texte de référence. L'opposition britannique porte notamment sur la coopération judiciaire en matière pénale, tandis que sur le Parquet européen, le Premier ministre Tony Blair vient de faire part d'une possible évolution de sa position : c'est un signal positif dont se réjouissent les autorités françaises qui souhaitent par ailleurs l'extension des compétences d'Eurojust. Dans le domaine social, la France est favorable à une extension de la majorité qualifiée, sur certaines questions telles que le régime des prestations sociales des travailleurs migrants. Le maintien de l'unanimité est en effet un frein à tout progrès. En ce qui concerne la fiscalité, les avancées proposées par la Convention étaient très modestes et les Britanniques comme plusieurs autres Etats membres ont confirmé leur hostilité de principe à toute extension de la majorité qualifiée. La France est également attachée au maintien de la clause passerelle dans le cadre des coopérations renforcées, afin de contrebalancer l'extension en définitive assez modeste du champ de la majorité qualifiée. Or le Royaume-Uni s'oppose également à cette clause passerelle, ce qui est difficilement justifiable dans la mesure où leur opposition à toute extension de la majorité qualifiée ne doit pas empêcher ceux qui veulent aller plus loin et plus vite de le faire. S'agissant du préambule du Traité constitutionnel et de la mention de l'héritage chrétien, il est souhaitable de s'en tenir au texte de la Convention qui est le résultat d'un compromis entre les partisans d'une référence aux racines chrétiennes et ceux qui, à la Convention, refusaient l'idée même de toute référence religieuse. Le ministre a ensuite souligné plusieurs questions importantes sur lesquelles la France a obtenu satisfaction au sein de la Conférence intergouvernementale : - le maintien et le renforcement de la base juridique sur les services d'intérêt général ; - le statut de Mayotte qui devrait, le moment venu, être intégrée aux régions ultra-périphériques ; - la reconnaissance d'une compétence de l'Union en matière de santé publique ; - l'existence d'une clause sociale transversale ; - l'inscription dans la Constitution du sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi ; - un accord sur la procédure budgétaire, fondée sur un mécanisme de codécision sans dernier mot à l'une ou l'autre institution. Le ministre a ensuite évoqué l'étape de ratification qui succédera à la signature du projet de Constitution. Le choix de l'instrument de ratification appartient au Président de la République qui prendra sa décision le moment venu. Pour mémoire, le Président François Mitterrand avait annoncé la tenue d'un référendum quatre mois après l'adoption du Traité de Maastricht. Une idée progresse actuellement qui consisterait à s'accorder sur un moment de ratification commun aux différents pays de l'Union (indépendamment de l'instrument de ratification) afin d'éviter la coexistence de 25 débats isolés et échelonnés sur un ou deux ans. Cela serait un progrès pour ce projet de Constitution. En cas de non-ratification par un ou plusieurs Etats, quatre hypothèses sont souvent avancées par les observateurs : - l'abandon pur et simple du projet de Constitution, et le fonctionnement de l'Union élargie sur la base du Traité de Nice ; - l'organisation d'une nouvelle ratification dans les pays qui se seraient prononcés négativement ; - l'adoption de la Constitution européenne par les seuls Etats l'ayant ratifié, ce qui n'est pas sans poser de réelles difficultés politiques et juridiques ; - la formation d'une coopération renforcée à l'extérieur du traité, ce qui signifierait un véritable « Schengen politique ». Le ministre a souligné que, malgré les difficultés rencontrées dans la dernière ligne droite des négociations, beaucoup de points étaient d'ores et déjà acquis, y compris sur des sujets sensibles comme la défense, où un accord a si longtemps paru improbable. Née d'une perception commune de la menace terroriste, la convergence de vues entre Allemands, Britanniques et Français s'est révélée déterminante en ce domaine. D'une manière générale, le spectacle offert aujourd'hui par les conflits dans le monde fait mesurer a contrario toute la valeur de l'entreprise européenne, qui oriente les nations vers le progrès et la résolution des différends par la négociation et non par le conflit armé. Le Président Pierre Lequiller a remercié le ministre de sa liberté de ton avant de se réjouir des espoirs d'aboutissement à la Conférence intergouvernementale. M. Marc Laffineur a félicité le ministre de s'être rendu en Haïti car la France, qui partage avec ce pays sa langue et une partie de son histoire, se devait de lui marquer sa solidarité. Il s'est enquis ensuite des chances réelles de succès de la Conférence intergouvernementale, se demandant quels genres de difficultés étaient susceptibles de survenir en dernière minute. Dans le domaine de la défense, il a interrogé le ministre sur les avancées à envisager pour que les nouveaux Etats membres trouvent une réponse adéquate aux inquiétudes qu'ils nourrissent en matière de sécurité. M. Daniel Garrigue s'est interrogé sur l'évolution actuelle des Britanniques. Le choix de la voie référendaire pour ratifier la future Constitution, tout en attestant la valeur de l'engagement européen du Premier ministre Tony Blair, ne fait-il pas planer sur la négociation une menace capable d'en déformer le résultat ? Puis il a demandé pour quelles raisons les Britanniques, qui participent à tant de coopérations renforcées, sont si hostiles au principe de leur développement. M. Jacques Floch a demandé des précisions sur l'état des négociations au regard de la procédure de révision du traité constitutionnel. Il a souligné que ce texte ne constituait pas à ses yeux une Constitution, mais un simple recueil des règles du jeu européen, comme le prouve l'incorporation d'une troisième partie qui ne traite pas de sujets institutionnels. A propos d'Haïti, il a demandé ce que pensaient les autorités françaises de la revendication par ce pays d'une indemnité d'indépendance que la France verserait à leur profit. Il serait souhaitable que notre pays apporte, de concert avec l'Union européenne, un soutien significatif à la reconstruction de l'île. M. Michel Delebarre a demandé au ministre comment, dans ses rencontres diplomatiques, la nouvelle Europe à Vingt-cinq lui semblait perçue par ses interlocuteurs, comme une gageure ou comme un défi redoutable ? À propos d'un éventuel échec de la procédure de ratification, il a évoqué l'hypothèse d'une seconde lecture, qui s'imposerait de manière quasi automatique si l'opposition ne venait que d'un pays sur vingt-cinq. Le succès passe par un effort de pédagogie au sujet de l'Europe élargie, à qui le plus grand service à rendre serait de chercher à progresser par étapes sur des sujets où il existe des chances réelles d'aboutir, plutôt que de s'enfermer dans des oppositions de principe. M. Jérôme Lambert s'est inquiété des prises de position britanniques, comme de la procédure de révision envisagée pour la future Constitution. Il a rappelé que la Délégation l'avait chargé avec M. Didier Quentin de réfléchir à une bonne application du principe de subsidiarité et à la meilleure manière d'obtenir à cette fin une coopération accrue des parlements nationaux pour qu'ils soient mieux associés à la discussion communautaire. Il s'est demandé si un blocage sur les sujets institutionnels pourrait remettre en cause l'entrée de nouveaux pays, en particulier de la Bulgarie et de la Roumanie, dont l'adhésion est prévue en 2007. Mme Anne-Marie Comparini, après avoir souligné qu'il existe actuellement au Proche-Orient une forte demande d'implication de l'Europe, a interrogé le ministre sur les intentions de la France à ce sujet. M. Jacques Myard a estimé que le système communautaire, fondé sur l'intégration, était en décalage par rapport à la réalité hétéroclite des nations dans le contexte d'une Europe élargie. A cet égard, les mécanismes de décision à la majorité qualifiée ne sont pas souhaitables. M. Didier Quentin a interrogé le ministre sur la portée de l'article 56 du projet de Constitution, qui traite des partenariats privilégiés de l'Union européenne. Vise-t-il la Turquie ou d'autres Etats du pourtour méditerranéen ? M. Michel Barnier a apporté les éléments de réponse suivants : - concernant le Conseil européen des 17 et 18 juin prochains, aucun chef d'Etat et de gouvernement n'est prêt à prendre le risque d'un échec. Il existe une volonté générale de parvenir à un accord. La France ne souhaite cependant pas un texte au rabais ; - la défense européenne a connu de réels progrès et devient une réalité, comme en témoignent les interventions en Bosnie, en Macédoine, au Congo - où une opération commune a pu être organisée en deux semaines - et bientôt en Afghanistan. Il convient de créer davantage de structures, outre celles qui existent déjà : le comité politique et de sécurité, la cellule d'état-major et de planification autonome, l'Agence européenne de défense. Il importe également de développer les capacités opérationnelles. Le projet de Constitution prévoit une clause de défense mutuelle complétant l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord et une clause de solidarité contre le terrorisme, permettant la mobilisation des institutions nationales de police, de justice et de protection civile en cas d'attentat ; - il est vrai que le Royaume-Uni a exprimé des réticences à l'égard des coopérations renforcées. La France et l'Allemagne sont déterminées à ce sujet. La France a également une position ferme sur l'extension du champ de la majorité qualifiée. Il est encourageant que le gouvernement britannique ait accepté des avancées en matière de défense ; - il est en effet regrettable que la procédure de révision soit identique pour l'ensemble du projet de Constitution, y compris pour sa troisième partie qui porte sur les politiques de l'Union ; - il est urgent que l'Union européenne apporte une aide à Haïti, qui vient de subir une violente catastrophe naturelle, dans un contexte de grande misère. A cet égard, l'Union doit adapter ses méthodes pour que son aide soit versée plus rapidement et plus efficacement ; - les Etats-Unis ont toujours été sensibles à la dimension économique, commerciale et monétaire du projet européen. En revanche, ils sont plus réservés à l'égard du projet politique. Il importe de les convaincre de le soutenir. Il est de notre intérêt de construire un monde multipolaire, garant de stabilité ; pour cela, il faut que les pays européens soient capables de s'unir pour jouer tout leur rôle dans le monde, ce qui est déjà le cas en matière de négociations commerciales ; - le Parlement français disposera, si la Constitution est adoptée, d'un outil nouveau, avec le mécanisme d'alerte précoce en cas de violation du principe de subsidiarité. Le ministre a indiqué qu'il présenterait des propositions pour que le Parlement débatte régulièrement des questions européennes, ainsi que sur la stratégie d'influence française au sein des institutions européennes, au regard notamment des recommandations de la Délégation, sur le rapport de M. Jacques Floch ; - les négociations d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie n'ont pas un lien direct avec la Constitution, mais un échec de l'adoption du texte constitutionnel représenterait une difficulté supplémentaire ; - en matière de politique étrangère et de sécurité commune, il existe une unité politique de l'Europe sur le Proche-Orient. Le ministre a indiqué espérer qu'une telle unité puisse également voir le jour au sujet de la crise irakienne ; - cet élargissement n'a pas rendu l'Union plus hétéroclite que les précédents : la Grèce et la Suède sont deux pays très différents également, et la construction européenne a précisément pour effet d'atténuer ces différences, sans les faire disparaître ; - l'article 56 du projet de Constitution vise les pays de l'environnement proche de l'Union. Peut-être le Président de la Convention, M. Valéry Giscard d'Estaing, l'avait-il imaginé pour la Turquie ; mais cette disposition serait sans doute également utile pour organiser les relations de l'Union avec l'Ukraine ou le Maroc, par exemple. · Réunion du mardi 22 juin 2004 : audition de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen de Bruxelles des 17 et 18 juin 2004 Le Président Pierre Lequiller a indiqué que cette audition porterait sur les conclusions du Conseil européen des 17 et 18 juin 2004, qualifié par tous d'historique, en raison de l'accord sur le traité constitutionnel réalisé en Conférence intergouvernementale (CIG), sans oublier les autres décisions prises hors CIG. En tant qu'ancien conventionnel, il a rappelé le scepticisme qui avait entouré les débuts de la Convention et le chemin parcouru à la fin de la CIG qui, comme l'a souligné le Président Valéry Giscard d'Estaing, a adopté 90 % du projet très ambitieux de la Convention. Après s'être réjouie de cette première rencontre avec la Délégation depuis sa prise de fonctions, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, a souligné la portée historique de l'adoption du projet de traité instituant une Constitution pour l'Europe, après deux jours d'intenses négociations au Conseil européen des 17 et 18 juin et grâce au travail remarquable de la présidence irlandaise. Le succès du 18 juin inspire d'emblée trois commentaires : il permettra d'abord à l'Europe élargie d'échapper à la paralysie qui l'aurait menacée en l'absence de réforme ; il permettra ensuite à l'Europe de repartir sur de nouvelles bases et de réaffirmer sa cohésion après la brèche ouverte par le conflit en Irak entre les deux Europe et l'échec du Conseil européen de Bruxelles à adopter la Constitution en décembre 2003 ; le succès est enfin un signal fort adressé aux citoyens européens par les responsables politiques européens, tous conscients qu'ils n'avaient pas le droit à l'échec après le fort taux d'abstention des élections au Parlement européen du 13 juin. Il faut toutefois regretter que les Vingt-cinq n'aient pas pu se mettre d'accord dès à présent sur la nomination du Président de la nouvelle Commission, mais l'intensité des discussions pour résoudre les dernières difficultés constitutionnelles les a conduits à se donner un peu de temps pour la nomination du Président. La présidence irlandaise va poursuivre ses consultations pour trouver une solution dans les prochains jours, mais il est trop tôt pour faire des pronostics. La France se déterminera en fonction de quatre critères rappelés par le Président de la République : le président de la Commission doit avoir une vision pour l'Europe, être un chef d'équipe, être capable de s'exprimer en français et être originaire d'un pays participant à l'ensemble des politiques communes. Avant de présenter l'accord sur la Constitution, la ministre a évoqué les principaux sujets abordés lors de ce Conseil européen, en dehors de la CIG. En ce qui concerne les sujets intérieurs, le Conseil a d'abord dressé le bilan du programme de Tampere en matière de justice et d'affaires intérieures, établi par le Conseil européen en octobre 1999. Il a salué les progrès substantiels réalisés depuis cinq ans, qu'il s'agisse d'asile, d'immigration, de coopération judiciaire et policière et invité la Commission à préparer un nouveau programme pluriannuel (Tampere II), qui pourrait être adopté sous présidence néerlandaise en novembre prochain. Quelques priorités ont été identifiées pour l'avenir : l'asile et l'immigration avec la mise en place de l'Agence européenne de coopération aux frontières extérieures, la lutte contre le terrorisme avec la création d'une capacité de renseignement, la lutte contre le trafic de drogue. Le Conseil européen a ensuite salué les progrès réalisés en matière économique et sociale, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne (mobilité des personnes, propriété intellectuelle en particulier logiciels, protection des consommateurs...) et a identifié certaines priorités, comme la mobilité des chercheurs ou les services d'intérêt général. Les propositions de la Commission Kok en vue de la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne sont attendues pour le 1er novembre 2004 pour alimenter les travaux du Conseil européen du printemps 2005. Concernant les relations extérieures, l'élargissement de l'Union a constitué le principal point de l'ordre du jour, avec les perspectives d'adhésion de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie. Les négociations techniques avec la Bulgarie sont achevées, grâce au fort engagement de la présidence irlandaise. Elles continuent avec la Roumanie, qui accuse un certain retard. Toutefois, le Conseil a confirmé l'objectif d'accueillir simultanément les deux pays dans l'Union en janvier 2007, et de signer à cette fin un traité commun d'adhésion dès que possible en 2005. Les négociations d'adhésion devraient donc s'achever pour les deux pays à la fin de cette année. La France tient à ce qu'il n'y ait pas de dissociation entre les deux candidatures. Sur la base des recommandations de la Commission (dans son avis du 20 avril 2004), le Conseil a reconnu à la Croatie le statut de candidat et décidé de l'ouverture des négociations au début de l'année 2005, sans prendre aucun engagement sur la date d'achèvement des négociations et d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne. Le Conseil européen a confirmé ses engagements de Copenhague en décembre 2002 sur la Turquie. Il a constaté que des efforts par ailleurs importants avaient été réalisés, mais que d'autres étaient encore nécessaires, notamment en matière de droits de l'homme, de protection des minorités religieuses et culturelles et de réforme de la justice. La Commission rendra son rapport avant le 31 octobre. Celui-ci devra évaluer précisément la mise en œuvre effective des réformes. A la demande de la France, le langage du Conseil européen sur ce point a été renforcé : les progrès doivent être garantis et mis en œuvre de façon intégrale dans l'ensemble du pays. Seul le respect effectif des critères politiques de Copenhague permettra au Conseil européen d'envisager l'ouverture de négociations. Il disposera également du rapport d'impact de l'adhésion de la Turquie sur le fonctionnement de l'Union européenne que la Commission est en train d'établir. Le succès que représente l'accord de la CIG sur la Constitution tient notamment à la démarche adoptée : la Convention, par son pluralisme et sa transparence a permis d'aboutir à un consensus ambitieux, autour de trois objectifs : rendre l'Europe plus démocratique, plus efficace, plus proche des citoyens. La CIG a su ne pas rouvrir des débats sectoriels afin de maintenir pour l'essentiel le niveau d'ambition du texte de la Convention. Elle a su également maintenir la négociation à un niveau politique, ne pas dépolitiser la préparation des débats et ne pas adopter une démarche technocratique contraire à l'esprit de la Convention. Certains reculs par rapport au texte de la Convention ont certes été enregistrés, notamment sur le champ de la majorité qualifiée, mais ils ont pu être limités dans leur nombre et leur portée. En outre, la CIG a aussi permis des avancées par rapport au texte de la Convention, souvent à notre demande. Il est un domaine, en particulier, dans lequel les résultats de la CIG sont remarquables, celui de la politique de sécurité et de défense. La CIG a su surmonter les divisions apparues lors de la crise irakienne et préserver les hautes ambitions fixées par la Convention dans ce domaine. La France a joué un rôle majeur dans l'élaboration de la Constitution. Elle a d'abord été l'un des principaux initiateurs du projet de Constitution européenne, avec, notamment, le discours du Président de la République au Bundestag en 2000. Ensuite, à la Convention, sous la présidence de M. Valéry Giscard d'Estaing, les conventionnels français ont été nombreux et très actifs, quelle que soit leur appartenance. Les diverses contributions franco-allemandes sur les institutions, la défense, la justice et la gouvernance économique ont été déterminantes. S'y sont ajoutées de nombreuses autres contributions que la France a présentées avec d'autres partenaires : la Belgique sur les services publics, les Pays-Bas sur les pouvoirs de la Commission, ou encore sur le sport avec de nombreux parlementaires européens et nationaux. Nous avons notamment obtenu, à la Convention, l'ajout de l'espace et du sport parmi les domaines d'action de l'Union. Le rôle de notre pays est resté essentiel à la CIG : la France a obtenu plusieurs améliorations, notamment : le renforcement de l'action de l'Union en matière de santé publique ; la prise en compte des objectifs sociaux dans l'ensemble des politiques de l'Union, qui se traduit par l'adoption d'un « clause sociale horizontale » ; le renforcement des outils du dialogue social au niveau européen avec l'inscription dans la Constitution du sommet tripartite européen pour la croissance ; le renforcement de la capacité de décision pour les Etats membres de la zone euro (surveillance multilatérale, définition des grandes orientations de politique économique, surveillance des déficits publics excessifs, adhésion d'un nouvel Etat à la zone euro) ; le rééquilibrage des pouvoirs respectifs du Parlement européen et du Conseil dans la procédure budgétaire annuelle (véritable codécision) ; enfin, la consolidation des avancées sur le volet défense, où des avancées majeures ont été enregistrées. La ministre a ensuite présenté le bilan institutionnel du Conseil européen à la lumière des trois objectifs de réforme fixés par la déclaration de Laeken, à savoir la démocratie, l'efficacité et la transparence. S'agissant de la démocratisation des institutions, le traité constitutionnel comporte plusieurs avancées importantes. Premièrement, il incorpore la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution. La Grande-Bretagne ayant souhaité que le traité constitutionnel comporte une référence au sens qu'il faut donner aux dispositions de la Charte, cette demande a été satisfaite, après que les juristes aient vérifié qu'elle ne revenait pas à modifier la portée de ce texte. Deuxièmement, la codécision a été étendue à un grand nombre de domaines, le Parlement européen devenant ainsi le colégislateur avec le Conseil pour 95 % des textes, contre 75 % actuellement. Ce renforcement du rôle du Parlement européen doit être souligné dans un contexte de démobilisation des citoyens aux dernières élections européennes. Troisièmement, il a été décidé, au cours des négociations, d'augmenter le nombre minimal de députés européens par Etat membre de quatre à six, ainsi que le nombre total d'élus au Parlement européen, qui passera à 750. Le Conseil européen a également plafonné le nombre de sièges par Etat membre, ce qui aura pour effet de diminuer l'écart entre le nombre de représentants français et le nombre de représentants allemands, ce dernier baissant de 99 à 96. Quatrièmement, la Constitution prévoit l'élection du Président de la Commission par le Parlement européen, sur la base du résultat des élections européennes et sur proposition du Conseil européen, ainsi qu'une plus grande transparence des délibérations et des votes du Conseil. Le contrôle du respect de la subsidiarité par les parlements nationaux constitue un autre élément de démocratisation de l'Union européenne. Le Conseil européen a consacré le mécanisme d'alerte précoce, ainsi que la saisine de la Cour de justice en cas de violation du principe de subsidiarité. La Constitution institue par ailleurs un droit d'initiative citoyen, qui permettra à un million de citoyens européens de s'adresser à la Commission européenne afin qu'elle rédige une proposition. Enfin, la Constitution pérennise la méthode de réforme expérimentée par la Convention. S'agissant de l'efficacité des institutions, la Constitution entérine des réformes très importantes, qui améliorent nettement la situation issue du traité de Nice. Sur le plan des institutions, le Conseil européen se voit doté d'une présidence stable, désignée à la majorité qualifiée, pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois. S'agissant de la taille de la Commission, à partir de 2014, le nombre de commissaires européens sera égal aux deux tiers des Etats membres, c'est-à-dire que dans une Europe à 27, la Commission comprendra 18 membres. Ce résultat très positif répond au souci de la France de conserver une Commission resserrée, qui puisse incarner l'intérêt général communautaire. Cette avancée n'a pas été facile à obtenir, notamment en raison de l'opposition des petits pays. M. Michel Herbillon a souhaité obtenir une précision au sujet du caractère définitif ou non de la décision concernant le nombre des commissaires et la date de mise en œuvre de ce plafonnement. Quelles seraient alors les conditions dans lesquelles ces règles pourraient être modifiées ? La ministre a répondu que ce plafonnement sera effectif à compter de la fin du mandat de la Commission désignée en 2009, à moins que le Conseil européen, statuant à l'unanimité, n'en décide autrement. Le Président Pierre Lequiller a estimé que ce résultat constitue une grande victoire et qu'à cet égard, la CIG est allée plus loin que la Convention. La ministre a alors abordé la réforme du seuil de la majorité qualifiée. A partir de 2009, la majorité qualifiée dans l'Union à 27 Etats membres sera fixée à 55 % des Etats membres, soit 15 Etats, qui représentent au moins 65 % de la population. La ministre a considéré que cette réforme présente un double avantage. En premier lieu, elle améliore la capacité décisionnelle du Conseil, qui passe de 2 % avec le système de Nice à 13 % avec la Constitution. Le système de la Constitution renforce en outre la capacité de notre pays à influencer la négociation. La ministre a ensuite précisé que les seuils initialement retenus ont été revus à la hausse pour répondre aux demandes de l'Espagne et de la Pologne, qui défendaient une majorité qualifiée fixée à deux tiers de la population. La Pologne a donc dû assouplir sa position mais elle a obtenu de faire jouer la clause de Ioannina, à savoir que si des membres du Conseil réunissant trois-quarts des Etats membres ou trois-quarts de la population nécessaires pour constituer une minorité de blocage indiquent leur opposition, le Conseil pourra alors poursuivre les discussions, pendant un délai raisonnable, en vue de répondre aux préoccupations de ces Etats membres. M. Jacques Myard a demandé si le compromis de Luxembourg de 1966 est toujours en vigueur. La ministre a précisé que le mécanisme souhaité par la délégation polonaise visait simplement à suspendre la discussion pendant un délai raisonnable afin d'approfondir la question en débat. Toujours dans le domaine du renforcement de l'efficacité, il convient de signaler l'institution d'un ministre des affaires étrangères et la création d'un service diplomatique européen. L'extension du vote à la majorité qualifiée, obtenue notamment dans les domaines de la coopération judiciaire, du droit d'asile, de la diversité culturelle, de la Banque centrale européenne et dans tous les nouveaux domaines de compétence introduits par le Traité, contribue également à la recherche de l'efficacité. Il convient aussi de noter la création de la « clause passerelle » générale, permettant au Conseil européen d'adopter ultérieurement des dispositions à la majorité qualifiée ; ce mécanisme s'applique notamment aux perspectives financières. Cette question n'a pas pu faire l'objet dès à présent d'un accord sur l'abandon de l'unanimité, puisque les Pays-Bas rencontrent une difficulté spécifique sur leur solde de contribution net. La ministre a également signalé les avancées enregistrées en matière de clause de défense mutuelle et de coopération structurée. L'eurogroupe est reconnu officiellement. A la demande des Pays-Bas et de l'Allemagne, une déclaration sur le Pacte de stabilité et de croissance a été introduite pour affirmer la nécessité de dégager des excédents budgétaires en période de croissance. La délégation française a cependant réussi à faire ajouter une phrase précisant que cette déclaration ne préjuge pas du futur débat sur l'avenir de ce Pacte. Le Traité comporte enfin des dispositions visant à rendre l'Europe plus proche des citoyens grâce, en particulier, à la fusion des trois piliers, la simplification des instruments et procédures, la clarification des compétences, et la consécration du dialogue avec la société civile. La ministre a ensuite souligné quelques insuffisances du texte adopté. En premier lieu, les modalités de révision de la Constitution demeurent assez rigides du fait de l'opposition de plusieurs Etats membres, mais il importe de constater qu'il ne sera pas nécessaire de convoquer une nouvelle Conférence intergouvernementale pour modifier le Traité et qu'une « clause passerelle » générale est prévue pour passer de l'unanimité à la majorité qualifiée, avec, dans ce dernier cas, un droit de veto octroyé aux parlements nationaux. Une autre lacune importante de ce texte réside dans le maintien de l'unanimité dans le domaine social (à l'exception de la protection sociale de travailleurs migrants, seule avancée prévue par la Convention dans ce domaine) et dans celui de la fiscalité. Il importe néanmoins de rappeler, en matière de coopération judiciaire, l'existence d'une clause de « frein/accélérateur », autorisant une coopération renforcée automatique après l'écoulement d'un certain délai et empêchant donc un seul Etat de bloquer une évolution souhaitée par tous les autres Etats membres. De la même façon, dans le cadre de la coopération renforcée, une clause permettra le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée. Globalement, l'équilibre du texte adopté par la Convention a été préservé et les concessions effectuées sont peu nombreuses et non définitives. On dispose ainsi d'un Traité permettant à l'Europe d'affirmer son rôle à l'échelle mondiale. Quel que soit le mode de ratification choisi par chaque Etat membre, il appartient à tous désormais de faire preuve de pédagogie et d'une grande capacité d'explication. Après avoir remercié la ministre, le Président Pierre Lequiller a souligné qu'on pouvait être fier du rôle tenu par la France pour aboutir à cet accord, qui constitue un tournant dans la construction européenne et une véritable avancée historique. Nombre de décisions adoptées vont modifier profondément la vision que l'on peut avoir de l'Europe. Il en est ainsi de la création d'un Président stable du Conseil européen, de la réduction du nombre des commissaires, ou encore de l'affirmation du principe de subsidiarité. Sur ce dernier point, la Délégation a confié à MM. Jérôme Lambert et Didier Quentin un rapport d'information, qui devrait être présenté à l'automne prochain, mais dont il serait opportun qu'il fasse l'objet d'une communication préalable le 13 juillet, puisque, à l'avenir, la Délégation se verra probablement confier la compétence du déclenchement du contrôle de subsidiarité concernant les projets de lois-cadres et de lois européennes. Il a confirmé la nécessité d'un devoir de pédagogie d'autant plus nécessaire que la grande leçon des dernières élections européennes a certainement été l'importance de l'abstention. La commissaire Loyola de Palacio a récemment observé que l'abstention progressait au fur et à mesure de la construction européenne. Cela traduit un travail d'explication insuffisant, notamment de la part des députés, qui n'abordent pas suffisamment les questions européennes au cours des débats organisés dans leurs circonscriptions. S'agissant de l'Assemblée nationale, on peut rappeler que le Président Jean-Louis Debré est ouvert à toute initiative permettant de développer le débat européen. Après avoir noté avec satisfaction la décision de rendre publics les travaux du Conseil des ministres lorsqu'il siège en formation législative, il a regretté les lacunes en matière de gouvernance économique, qui devront être atténuées par la mise en œuvre des clauses passerelles et de la coopération renforcée. M. Michel Herbillon a d'abord estimé que l'importance historique et politique de l'accord des chefs d'Etat et de gouvernement sur le projet de traité devait faire l'objet d'une large action de communication. La Constitution européenne doit en effet être popularisée dans des termes aisément accessibles, lesquels exigent un effort de sémantique, et de sortir du débat d'experts. Une initiative en ce sens du ministre en charge des affaires européennes apparaît donc opportune à plusieurs titres. D'une part, il faut se féliciter d'avoir pu faire aboutir une telle démarche politique, fondée sur la volonté de vingt-cinq peuples de définir par consensus leurs règles communes et dont il n'y a guère d'autre exemple. D'autre part, il est essentiel de rappeler dès maintenant que tant l'Europe, avec le Président du Conseil européen, que sa politique étrangère et de sécurité commune, auront à terme chacune un visage. Enfin, il importe de tirer les conséquences de la consultation de juin et de ne pas évoquer les questions européennes à la seule approche des élections européennes, tous les cinq ans. Une telle action de communication est au demeurant indépendante du mode de ratification qui sera retenu pour le traité. M. Michel Herbillon a ensuite indiqué qu'il lui paraissait opportun que la ratification du traité par les différents Etats membres intervienne simultanément et a souhaité savoir si la France pourrait prendre une initiative en ce sens. Il a également demandé des précisions sur les domaines dans lesquels des coopérations renforcées pouvaient être envisagées à bref délai, comme sur les pays concernés. Concluant son intervention, il a souhaité connaître le sentiment de la ministre sur l'atmosphère, d'enthousiasme ou bien de résignation, dans laquelle était intervenu l'accord du 18 juin 2004. Le Président Pierre Lequiller a également évoqué la nécessité d'engager rapidement une action de communication sur la Constitution européenne. M. Jérôme Lambert a rappelé qu'il saluait le caractère historique de la négociation menée, mais se gardait d'en qualifier le résultat d'excellent. L'Europe politique semble au citoyen, et il faut le déplorer, très éloignée de ses préoccupations quotidiennes. Beaucoup se sentent plus concernés par les grandes rencontres sportives européennes comme l'Eurofoot. Il est vrai que l'on constate de graves carences dans l'appréhension, au niveau communautaire, des conditions de la concurrence entre les entreprises - et par conséquent des conditions d'emploi des travailleurs - tant sur le plan social que dans le domaine fiscal. L'espoir qu'aurait pu susciter le traité ne peut être que déçu, en l'absence d'évolution dans ces deux domaines. Les règles européennes apparaissent en définitive favorables au développement d'un marché dont la dimension humaine n'aura pas été véritablement prise en compte. S'agissant des institutions, la désignation d'un président du Conseil européen pour une certaine durée comme celle d'un ministre des affaires étrangères sont d'un indéniable intérêt, mais ne semblent guère aller au-delà du symbole en l'absence de politique à défendre en commun, comme l'illustre, sur le plan extérieur, la question de l'Irak. Concluant son intervention, M. Jérôme Lambert a demandé selon quelles modalités avait été réglée la question de la participation des Etats neutres aux initiatives en matière de sécurité extérieure. M. Christian Philip a estimé qu'un accord tel que celui obtenu devait inévitablement être un compromis. Trouver rapidement la capacité d'expliquer cet accord aux citoyens, compte tenu de la complexité de certains mécanismes tel le vote au Conseil, sera un véritable défi. Il convient d'éviter que la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne n'interfère avec le débat sur le projet de Constitution. Sur ce point, il s'est déclaré réservé à l'égard des conclusions assez favorables du Conseil européen sur la Turquie. M. Bernard Deflesselles a interrogé la ministre sur les débats au Conseil européen concernant l'Agence européenne de défense. M. Jacques Myard a estimé que le texte obtenu allait à l'encontre du principe de réalisme et de la volonté des peuples. Les normes européennes sont susceptibles de bloquer les Etats dans des domaines décisifs comme l'emploi. L'Europe puissance est un mythe. Concernant la Turquie, il a rappelé qu'une majorité d'Etats de l'Union européenne est favorable à son adhésion. M. Jean-Pierre Abelin s'est félicité de l'accord et des avancées concernant l'extension de la codécision, la composition de la Commission, les coopérations renforcées. Il a exprimé des regrets à propos de la procédure de révision de la Constitution, de la complexité des procédures de décision et du maintien de l'unanimité en matière fiscale et sociale. Il a estimé que le référendum serait le meilleur moyen d'expliquer l'accord aux citoyens, à l'image du grand débat ayant eu lieu sur le traité de Maastricht. Il existe cependant un risque d'interférence avec le débat sur l'adhésion de la Turquie. Après s'être déclaré inquiet du maintien des critères politiques de Copenhague, M. Jean-Pierre Abelin a interrogé Mme Claudie Haigneré sur la position qu'aura la France concernant l'ouverture des négociations. A ces questions, la ministre a apporté les éléments de réponse suivants : - la ratification du traité constitutionnel doit intervenir à des dates rapprochées dans les différents Etats membres pour que le débat public prenne une vraie dimension européenne. En pratique, il sera difficile d'arriver à une date unique dans les vingt-cinq Etats membres, mais le processus devrait pouvoir se concentrer sur un espace de temps restreint, peut-être limité à une semaine. Il se déroulerait cependant avant le référendum britannique qui est annoncé pour 2006, date qui semble trop éloignée. Le traité adopté le 18 juin 2004 devrait en effet être signé à Rome en octobre ou novembre de cette année. En France, le Conseil constitutionnel pourrait être saisi et rendre son avis à la fin de cette année ou au début de l'année suivante. Cela devrait ouvrir la voie à une révision constitutionnelle qui ne rendrait pas la ratification possible avant le printemps ou l'été 2005. Le traité pourrait ainsi entrer en vigueur en 2006, à condition que les autres Etats membres aient suivi parallèlement le même chemin ; - la diffusion d'informations sur l'Europe reste plus nécessaire que jamais. Les autorités néerlandaises ont inscrit au programme de leur présidence l'amélioration des efforts de communication sur les institutions communautaires. En France, les pouvoirs publics ont décidé d'engager, sous la direction du ministère des affaires étrangères, un programme d'action et d'information dénommé « dialogue permanent sur l'Europe ». Il devrait s'appuyer dans chaque région sur des modules de base qui favoriseraient une présentation des questions européennes fondée sur l'écoute et la pédagogie. Sur ce point, le Président Pierre Lequiller a observé que les chaînes de télévision s'intéressaient trop peu au débat européen, principalement pour des questions d'audience. Alors qu'elle est le média le plus influent dans l'opinion, la télévision n'a que très rarement donné à voir au cours de la récente campagne électorale des tableaux comparatifs entre les programmes européens des différents partis. Il paraît indispensable que le gouvernement engage sur les chaînes nationales une campagne d'information de grande envergure. La ministre a ensuite repris point par point les récents acquis européens. Déclarant partager l'insatisfaction des parlementaires sur les questions de fiscalité et d'Europe sociale, elle a cependant souligné qu'une coopération renforcée pourrait peut-être être mise en œuvre pour harmoniser l'assiette de l'impôt sur les sociétés à travers l'Europe. Dans le domaine de la politique extérieure et de sécurité commune, l'Union européenne pourrait faire la preuve de son unité en prenant des positions communes sur l'Irak. Dans le secteur de la défense, certaines coopérations spécifiques commencent à prendre forme. Dans le domaine social aussi, les coopérations renforcées apparaissent comme un instrument privilégié. Sur ce point, M. Jérôme Lambert a observé que s'entendre entre Etats déjà acquis à la cause sociale ne présentait qu'une utilité limitée, tandis que M. Jacques Myard a préconisé la sortie de l'union monétaire pour rétablir le libre jeu des différences de change. La ministre a fait alors une série d'observations sur les avancées réalisées, dans le domaine social, par le texte adopté le 18 juin : - l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le traité représente un acquis pour les salariés ; - les partenaires sociaux sont désormais reconnus par le traité constitutionnel ; - les sommets tripartites offriront l'occasion de faire avancer significativement certains sujets ; - même si la majorité qualifiée n'a pu être étendue à tous les sujets sociaux, elle s'applique en matière de prestations pour les travailleurs migrants ; des accords apparaissent possibles dès aujourd'hui sur la protection des travailleurs lors de la résiliation de leur contrat d'embauche ou encore sur les conditions d'emploi des travailleurs en provenance des pays tiers. Les modalités d'information et de consultation des travailleurs relèvent elles aussi de la majorité qualifiée ; - la clause passerelle évoquée précédemment sera applicable dans le domaine social ; - la lutte contre les discriminations fait l'objet d'un titre spécifique dans la troisième partie du traité ; - la prévention des risques liés à l'abus d'alcool et de tabac est désormais formellement mentionnée dans le traité, ce qui n'était pas le cas dans le texte initial ; - les services d'intérêt général sont dotés d'une base juridique spéciale. D'une manière générale, le texte est issu d'un compromis entre les tendances fédéralistes et les préoccupations libérales. Des résistances fortes se sont fait sentir, mais les formules obtenues, pour insatisfaisantes qu'elles soient, ont l'avantage de comporter une certaine souplesse. Les cicatrices du débat irakien sont encore visibles, comme l'a montré le débat autour de la nomination du futur président de la Commission. Aucune résignation n'était cependant perceptible dans les discussions, mais au contraire chez tous les participants on notait une volonté d'aboutir. En définitive, il faut mesurer le chemin parcouru depuis dix-huit mois : les neuf dixièmes du texte de la Convention sont conservés ; le bilan à tirer de la négociation est incontestablement positif. Quant à la Turquie, il ne lui saurait lui être appliqué de traitement de faveur lorsqu'il s'agira de mesurer le respect des critères d'adhésion. Un rapport a d'autre part été commandé pour mesurer l'impact de son entrée éventuelle sur le fonctionnement des institutions communautaires. Il reste à approfondir le dialogue avec elle, tandis que de nombreux efforts restent à fournir ; le débat relatif à l'adhésion de la Turquie est secondaire par rapport au débat sur la ratification de la Constitution européenne. Il conviendra de ne pas le détourner et de le recentrer sur ses véritables enjeux. Le Conseil européen de Bruxelles a souligné le rôle positif du gouvernement turc en vue de parvenir à un règlement global de la question chypriote. La ministre a ensuite apporté les précisions suivantes : - dans le cadre du traité de Nice, seulement 2 % des diverses combinaisons possibles lors d'un vote à la majorité qualifiée étaient gagnantes, alors que le traité constitutionnel en permet 13 % ; - il convient de ne pas oublier l'existence de la « clause Ioannina », bien qu'elle soit complexe et difficile à expliquer aux populations ; - l'Agence européenne de défense, dont le principe avait été décidé au Conseil européen de Thessalonique, doit être opérationnelle bien avant l'entrée en vigueur du traité constitutionnel. L'accord sur cette agence a été acté le 14 juin dernier par les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne. Le but de l'Agence est de développer les capacités de défense de l'Union européenne, notamment par l'harmonisation et la création d'un marché unique, la promotion de la coopération entre les industries de défense, et la stimulation de la recherche. L'Agence sera sous l'autorité de Conseil et en particulier du secrétaire général/Haut représentant pour la PESC. Tous les pays membres de l'Union européenne ont vocation à en faire partie, même si certains, comme le Danemark, le refusent pour l'instant. L'existence de coopérations renforcées internes à l'Agence est envisagée. Les décisions de l'Agence seront prises à la majorité qualifiée. Le Conseil des ministres du 14 juin a permis de parvenir à un accord satisfaisant entre les différentes conceptions du rôle de l'Agence, la France étant au départ plus ambitieuse que le Royaume-Uni ; - la faible mobilisation des électeurs lors des élections européennes a incontestablement révélé un déficit d'explication et de pédagogie. Il conviendra en particulier de montrer que l'entrée en vigueur du traité constitutionnel permettra à l'Europe d'avancer significativement dans des domaines qui touchent de très près les citoyens, comme par exemple la lutte contre le terrorisme ; - le projet de traité constitutionnel a permis de réaliser des progrès dans la capacité décisionnelle de l'eurogroupe et de représentation unifiée à l'extérieur. L'eurogroupe pourra élire son président permanent pour 2 ans et demi. L'approbation des seuls Etats membres de la zone euro sera désormais nécessaire pour l'admission d'un nouveau membre ; - en matière de gouvernance économique, la Commission n'est autorisée, dans la rédaction définitive du traité constitutionnel, qu'à présenter des recommandations, facilement amendables par le Conseil, et non plus des propositions, modifiables uniquement à l'unanimité, pour le constat d'un déficit excessif. Le Président Pierre Lequiller a remercié la ministre pour son dialogue avec la Délégation. Il a de nouveau insisté sur la nécessité, pour les chaînes de télévision, de consacrer un temps d'antenne plus important aux questions européennes. Il a souhaité des débats plus nombreux sur l'Europe dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Il a constaté que les sondages prouvent que les Français ne sont pas eurosceptiques mais souvent indifférents parce que mal informés. 66 % des Français se déclarent favorables au projet de traité constitutionnel alors qu'ils en ignorent sans doute le contenu. La ministre, rappelant l'initiative européenne d'un « dialogue permanent » avec les citoyens sur l'Europe, a évoqué la nécessité d'un budget de communication significatif, à l'échelle française et européenne. Elle a salué le rôle positif de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne et souhaité la présence de son président, lors de la réunion de tous les députés européens français, le 24 juin, à l'initiative du Gouvernement. Annexe 1 : Ce compte rendu s'inscrit dans le cadre des missions sur le projet de Constitution européenne, effectuées par les membres de la Délégation pour l'Union européenne entre janvier et mars 2004. Les quinze premiers comptes rendus de missions ont été publiés dans le tome I du rapport n° 1476, intitulé « Quel avenir pour la Constitution européenne : Chroniques d'un tour d'Europe parlementaire ». La politique européenne du Danemark est ambivalente : le « paradoxe danois » oppose, selon M. Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, « un sentiment réel d'appartenance à l'Union européenne à une profonde réticence à s'engager dans tout débat sur l'intégration politique »(21). La population danoise, la plus souvent appelée à voter sur les questions européennes, a ainsi désavoué ses élites politiques à deux reprises, en 1992, lors de la ratification du traité de Maastricht, et en septembre 2000, sur l'euro. Cette ambivalence se retrouve à l'égard du projet de Constitution européenne, dont le Danemark souhaite l'adoption rapide, sous réserve que ses dérogations soient pleinement prises en compte, qu'il n'étende pas la majorité qualifiée en matière fiscale et sociale (pour préserver la spécificité d'un modèle original d'Etat-providence) et que l'équilibre entre « petits » et « grand » Etats soit respecté. I. Le Danemark et l'Union européenne : une participation assortie de nombreuses dérogations et régulièrement soumise à référendum. Le Danemark est entré dans la Communauté européenne, en 1973, en même temps que le Royaume-Uni et l'Irlande, pour des raisons strictement économiques, sans jamais en évoquer la dimension politique. Depuis cette adhésion, l'opinion publique danoise, régulièrement consultée sur la construction européenne, a exprimé ses craintes d'une « aliénation » de la souveraineté nationale et d'un directoire des « grands pays ». Ces réticences n'ont pu être surmontées que par l'octroi d'importantes dérogations au Danemark. a ) La frilosité de l'opinion publique danoise : l'échec des référendum de 1992 et 2000 L'adhésion du Danemark a été autorisée par un référendum, la Constitution danoise
(en son article 20) imposant de soumettre aux électeurs tout traité opérant une délégation Depuis, cinq autres consultations ont été organisées, sur l'Acte unique (1986), les traités de Maastricht (en 1992 et 1993) et d'Amsterdam (1998), puis sur l'euro (2000). Deux d'entre elles se sont soldées par un échec. En 1992, le traité de Maastricht a été rejeté par 50,7 % des votants, et le 28 septembre 2000, les Danois ont refusé, à une majorité de 53,2 %, de lever l'exception concernant la monnaie unique. b ) Les dérogations danoises Ce n'est qu'au prix d'importantes dérogations que le traité de Maastricht a été approuvé par 56,7 % des votants lors d'un second référendum organisé en mai 1993. Ces dérogations, acceptées lors du Conseil européen d'Edimbourg (décembre 1992) portent sur l'euro, la défense européenne, la justice et les affaires intérieures et la citoyenneté européenne22. Elles permettent au Danemark de rester en dehors du développement de l'Union européenne dans ces domaines. Il s'est engagé, en contrepartie, à ne pas faire obstacle à la coopération des autres membres sur ces questions. La première exception concerne la troisième phase de l'Union économique et monétaire (UEM) et l'introduction de l'euro. Le Danemark a conservé sa monnaie (la couronne danoise) et ne participe que partiellement au système européen des banques centrales (SEBC). Un accord spécial sur les taux de change (MCE-II, ou SME bis) rattache cependant la couronne à l'euro, et le Danemark est tenu d'observer la deuxième phase de l'UEM (y compris les critères de convergence). La deuxième dérogation d'Edimbourg porte sur la défense européenne. Cette réserve a maintenu le Danemark en dehors de l'Union de l'Europe occidentale jusqu'en 1998. Elle lui interdit de participer à l'élaboration des décisions et aux actions de l'Union ayant des implications en matière de défense. La troisième réserve est relative à la justice et aux affaires intérieures (JAI). Le Danemark ne participe pas aux matières « JAI » qui ont été transférées du troisième pilier (marqué par une logique intergouvernementale) au premier pilier (où la méthode communautaire, sous certaines réserves, s'applique) par le traité d'Amsterdam. Il s'agit de la coopération concernant l'asile, l'immigration et le contrôle des frontières (titre IV du traité instituant la Communauté européenne - à l'exception de la politique des visas, à laquelle le Danemark participe). La quatrième exception était relative à la citoyenneté européenne. Elle a perdu toute signification depuis que l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, qui précise que la citoyenneté européenne complète mais ne remplace pas la citoyenneté nationale. M. Anders Fogh Rasmussen, Premier ministre danois, souhaite supprimer ces dérogations parce qu'elle limite les possibilités, pour le Danemark, de mener une politique européenne active(23). Un rapport du ministère des affaires étrangères danois, publié en août 2003, montre en effet que la future Constitution européenne augmentera l'effet de ces dérogations, plaçant le Danemark à l'écart d'un nombre accru de coopérations. Cette suppression ne pourra être décidée que par référendum, et le gouvernement souhaite, en attendant, que l'intégralité des exemptions danoises soient reprises dans le traité constitutionnel. Il a cependant proposé une modernisation de la dérogation relative à la justice et aux affaires intérieures. Cette modification donnerait au Danemark un droit d'option, lui permettant de participer, s'il le souhaite, au cas par cas, à l'adoption d'un texte, sur le modèle de l'opt in dont bénéficient le Royaume-Uni et l'Irlande. II. Le Danemark et la Constitution européenne : pour un accord rapide, fondé sur le texte de la présidence italienne et préservant les dérogations danoises. Au cours de ses entretiens, le rapporteur a rencontré : Mme Charlotte Antonsen, porte-parole du parti libéral(24) pour les questions européennes et membre de la Commission des affaires européennes ; Mme Anne Dorte Riggelsen, directrice pour les affaires européennes au ministère des affaires étrangères danois. M. Niels Helveg Petersen, ancien ministre des affaires étrangères (radical)(25), ancien membre de la Convention et membre de la commission des affaires européennes ; M. Claus Larsen-Jensen, président (social-démocrate)(26) de la Commission des affaires européennes, ancien membre de la Convention chargée de rédiger la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ces entretiens ont fait apparaître que le Danemark souhaite un accord rapide sur la Constitution, fondé sur le texte issu de la Convention européenne, tel qu'amendé par la présidence italienne. Les Danois se sont montrés flexibles en ce qui concerne la définition de la majorité qualifiée, avec une préférence pour la double majorité, mais veulent maintenir l'unanimité en matière fiscale et sociale. Ils s'opposent à la composition de la Commission proposée par la Convention, à laquelle ils préfèrent le principe d'un commissaire avec droit de vote par Etat, et veulent maintenir l'unanimité pour la révision de l'ensemble de la Constitution (pas de procédure allégée pour la troisième partie, relative aux politiques de l'Union). La majorité du Folketing et le gouvernement souhaitent supprimer les dérogations danoises (ou, au moins, passer à un système d'opt-in en matière de justice et d'affaires intérieures, comme le Royaume-Uni et l'Irlande), mais cela doit être décidé par référendum. Les dérogations doivent donc, dans l'attente de cette suppression éventuelle, être reprises dans le texte constitutionnel. Le Danemark est favorable au développement de la défense européenne, à condition que le lien transatlantique soit préservé. a ) Une adoption rapide Mme Charlotte Antonsen a précisé que le parti libéral souhaite conclure les négociations sur la Constitution européenne aussi vite que possible. Il se montre donc très flexible et ouvert au compromis. Les décisions importantes ne sauraient cependant être systématiquement reportées à une date ultérieure. Mme Anne Dorte Riggelsen a indiqué que le Danemark estime que l'Union a besoin d'une Constitution. Sans son adoption, l'Europe s'enliserait, surtout après l'élargissement. Le gouvernement danois souhaite une conclusion rapide de la CIG, idéalement entre avril et juin. Elle a salué l'excellent travail de la présidence irlandaise, et estime qu'un accord sous présidence néerlandaise serait plus difficile parce qu'un lien risquerait d'être établi entre la Constitution, les perspectives financières et l'adhésion de la Turquie. M. Niels Helveg Petersen a déclaré souhaiter un accord rapide sur le texte de la Convention. Il a rappelé que le Danemark a indiqué, après la Convention, être prêt à accepter le texte, y compris la double majorité 50/60. Plus le temps passe, plus il sera difficile d'obtenir un accord. M. Claus Larsen-Jensen a approuvé l'attitude prudente de la présidence irlandaise, qui souhaite à tout prix éviter deux échecs successifs. b ) Le texte de référence Mme Charlotte Antonsen estime que des progrès ont été faits durant la présidence italienne, et qu'il serait regrettable de les remettre en cause. Mme Anne Dorte Riggelsen a reconnu qu'aucune des modifications du texte de la Convention proposées par la présidence italienne n'est acquise pour l'instant, mais elle estime que le texte présenté après le conclave de Naples était presque définitif, seule la définition de la majorité qualifiée posant encore problème. Le travail réalisé par la CIG durant la présidence italienne ne saurait être négligé, les compromis proposés étant jugés satisfaisants par le Danemark. M. Niels Helveg Petersen estime que l'on ne peut pas « tout remettre à plat », et qu'il faut tenir compte du texte de la présidence italienne. c ) La définition de la majorité qualifiée Mme Charlotte Antonsen a affirmé que le parti libéral est flexible sur cette question, et que le compromis de Nice est problématique. Sur ce point, Mme Anne Dorte Riggelsen a précisé que le Danemark est flexible, et pourrait se rallier à un compromis. Il souhaite parvenir un système logique, qui puisse être expliqué aux citoyens. M. Niels Helveg Petersen, tout en se déclarant favorable à la double majorité, a suggéré un compromis consistant à reporter la décision en 2009, en prévoyant un passage à la double majorité à cette date si une majorité du Conseil (vraisemblablement calculée selon Nice) l'accepte. Le passage à la double majorité serait donc semi-automatique. M. Claus Larsen-Jensen s'est déclaré surpris par la position de la France qui, à Nice, a accepté - et même promu - le compromis finalement adopté, qui accorde à l'Espagne et à la Pologne un poids presque équivalent à celui des quatre plus grands Etats. La position de l'Espagne et de la Pologne est donc compréhensible. Il estime regrettable que les discussions se focalisent sur ces enjeux de pouvoirs entre Etats, alors que le débat constitutionnel devrait porter sur les valeurs et la vision du projet européen. Cela sera mal perçu par l'opinion publique danoise. Le Danemark, pour sa part, pourrait accepter la double majorité, mais plutôt 55-55, afin d'assurer un équilibre satisfaisant entre petits et grands Etats. d ) Le champ de la majorité qualifiée Selon Mme Charlotte Antonsen, le parti libéral souhaite maintenir l'unanimité en matière fiscale (refus, en particulier, de toute harmonisation concernant l'imposition des revenus) et sociale. La majorité qualifiée en matière pénale peut en revanche être acceptée, à condition de bien circonscrire les domaines pouvant faire l'objet de normes minimales. Mme Anne Dorte Riggelsen a déclaré que le Danemark s'oppose à une extension de la majorité qualifiée en matière fiscale et sociale (les Danois craignant qu'une harmonisation ne diminue leur niveau de protection sociale). Une extension de la majorité qualifiée en matière de politique étrangère et de sécurité commune est en revanche acceptable. M. Niels Helveg Petersen est favorable à davantage de majorité qualifiée, même si quelques réserves sont émises en matière de politique étrangère et de sécurité commune et de défense. e) Les dérogations danoises Mme Charlotte Antonsen a indiqué que le parti libéral souhaite supprimer les dérogations danoises, mais que cet abandon ne pourra être décidé que par un référendum, dont la date reste à déterminer. Mme Anne Dorte Riggelsen a précisé que le gouvernement danois souhaite supprimer les dérogations, qui marginalisent le Danemark. Mais cette suppression devra être décidée par référendum. La date du référendum sur la Constitution n'est pas encore déterminée, pas plus que le lien éventuel avec la suppression des dérogations. M. Niels Helveg Petersen souhaite la suppression des dérogations, en particulier en matière de défense et sur l'euro. L'absence de participation à la monnaie unique lui paraît d'autant plus injustifiée que le Danemark, en arrimant sa devise à l'euro, a perdu l'avantage tiré de la flexibilité des changes. Selon M. Claus Larsen-Jensen, la majorité du Folketing est favorable à la suppression des dérogations danoises (à l'exception du parti populaire danois), qui devra être décidée par référendum. Il a souligné que la dérogation sur la citoyenneté européenne n'a plus de signification depuis le traité d'Amsterdam, et que celle sur la défense est absurde : le Danemark peut participer à certaines opérations militaires, mais est contraint de partir si l'Union européenne en assume la responsabilité. Il en va de même pour l'euro, qui place le Danemark dans une situation paradoxale : il participe pleinement aux première et deuxième phases de l'Union économique et monétaire et il est l'un des seuls Etats à respecter le pacte de stabilité et de croissance, sans avoir d'euros en circulation. Mais la situation actuelle de la zone euro (faible croissance, appréciation excessive face au dollar, querelle sur l'application du pacte) rend l'issue d'un nouveau référendum sur l'euro très incertaine. La dérogation la plus gênante est celle relative à la justice et aux affaires intérieures. La proposition du gouvernement de passer à un système d'opt in dans ce domaine est jugée satisfaisante. f) Les coopérations renforcées Mme Charlotte Antonsen s'est félicitée que la Constitution permette à certains Etats d'aller plus vite. Selon Mme Anne Dorte Riggelsen, le Danemark n'est pas opposé à une Europe à plusieurs vitesses. Il admet, par pragmatisme, que l'Union a besoin de « moteurs » pour avancer. Mais cela ne doit pas marginaliser certains Etats et s'opérer dans le cadre des institutions européennes. g) La composition de la Commission Mme Charlotte Antonsen a déclaré que le parti libéral est favorable au principe d'un commissaire par Etat membre. Pour garantir l'efficacité de la Commission, des « super commissaires » chargés de missions de coordination seraient envisageables. S'agissant de la composition de la Commission, Mme Anne Dorte Riggelsen a indiqué que le Danemark est flexible, mais préférerait qu'elle compte un commissaire par Etat, parce que c'est un symbole important pour l'opinion publique (en particulier dans les nouveaux Etats membres). La perspective d'une Commission réduite, à terme, serait envisageable. La création d'un « super commissaire » aux réformes économiques, chargé de la mise en œuvre du processus de Lisbonne, a été bien accueillie par le Danemark, qui estime qu'elle pourrait s'appliquer aussi dans d'autres secteurs. M. Niels Helveg Petersen estime que les propositions de la Convention sur ce point ne sont pas satisfaisantes. Il est très difficile de faire accepter aux Etats membres de ne plus avoir de commissaire. Un système de rotation égalitaire serait, en tout état de cause, préférable à la création de commissaire de seconde catégorie. M. Claus Larsen-Jensen estime qu'il ne peut y avoir deux catégories de commissaires, avec ou sans droit de vote. Il doit y avoir un commissaire plein par Etat. h ) La défense européenne Mme Charlotte Antonsen a précisé que le parti libéral est favorable à une défense européenne, à condition que le lien avec l'OTAN soit maintenu. Le rapport avec l'OTAN doit donc être clarifié, une priorité étant accordée à l'Alliance atlantique. Les coopérations structurées sont acceptables, même s'il est préférable d'avancer ensemble. Si la dérogation danoise concernant la défense est supprimée, le Danemark participera activement à la construction de cette Europe de la défense. i ) La procédure de révision Mme Charlotte Antonsen a indiqué que le parti libéral est favorable au maintien de l'unanimité. Deux procédures distinctes auraient été envisageables si deux parties n'ayant pas le même statut avait été élaborées, mais le choix d'un texte unique ayant été fait, une seule procédure doit s'appliquer. M. Niels Helveg Petersen souhaite également le maintien de l'unanimité, pour l'ensemble du texte. j ) La procédure budgétaire Selon Mme Charlotte Antonsen, le parti libéral souhaite appliquer la codécision en matière budgétaire et placer le Parlement européen et le Conseil sur un pied d'égalité (donc pas de dernier mot pour l'assemblée de Strasbourg). h ) Le rôle des parlements nationaux Mme Charlotte Antonsen estime que le rôle des parlements nationaux doit être renforcé, en particulier à l'égard de leur gouvernement. Ce rôle est très important au Danemark, où la commission des affaires européennes du Folketing donne un « mandat de négociation » aux ministres chargés de négocier au Conseil de l'Union européenne. * * * L'initiative prise par la Délégation semble avoir été très bien accueillie par nos interlocuteurs, qui se sont montrés favorables à un accord rapide, et très ouverts au dialogue. Ces missions parlementaires permettent d'instaurer un dialogue plus libre et d'échanger davantage d'informations que dans le cadre des relations diplomatiques classiques, entre chancelleries. Elles contribuent, en outre, à un développement des relations interparlementaires particulièrement utile dans la perspective de la mise en place du droit d'alerte précoce prévu par le projet de la Convention. Le rapporteur tient à remercier l'ambassadeur de France à Copenhague, M. Régis de Belenet, ainsi qu'à son collaborateur, M. Sylvain Berger, premier conseiller, pour leur accueil chaleureux, leur disponibilité et la qualité de l'information qu'ils lui ont apportée. Annexe 2 : L'annexe 2 est consultable sur le document au format PDF : 1710.pdf 1 () La Constitution européenne : le pari gagné de la Convention sur l'avenir de l'Europe rapport d'information n° 994 présenté par M. Pierre Lequiller, au nom de la Délégation pour l'Union européenne - 1er juillet 2003. 2 () Cette version provisoire (CIG 86/04, 25 juin 2004) ne tient pas encore compte, notamment, de la décision de la Conférence intergouvernementale de procéder à une numérotation continue en chiffres arabes du texte de la Constitution (les chiffres arabes restant assortis du chiffre romain des parties pour souligner la division de la Constitution en quatre parties). 3 () Les articles cités dans le présent rapport renvoient à la version consolidée provisoire (CIG 86/04). Ils ne correspondent donc pas à la numérotation définitive, qui sera continue et reste à établir par les juristes-linguistes du Conseil. 4 () Pierre Lequiller, « Un Président pour l'Europe », CONV 320/02 du 7 octobre 2002. 5 () Actuellement, le Conseil européen fait l'objet d'un article spécifique du Traité (article 4 du TUE) mais ne figure pas parmi les institutions mentionnées dans la cinquième partie du TCE consacrée aux institutions. 6 () Il s'agit du pilier communautaire, du pilier PESC et du pilier JAI (Justice et Affaires Intérieures). 7 () Article I-14. 8 () Article I-15. 9 () Plus précisément, il s'agit d'un tiers des voix attribuées aux parlements nationaux, étant donné que chaque parlement dispose de deux voix (une voix par chambre dans le cadre des parlements bicaméraux). 10 () Cf. contribution déposée par 16 membres de la Convention le 10 janvier 2003 (CONV 478/03) intitulée « La place du sport dans le futur traité ». 11 () Décision n°2004-496 DC du 10 juin 2004. 12 () Cet article énonce que « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences ». 13 () Ces explications ont été rédigées par le secrétariat de la Convention ayant élaboré la Charte, sous l'autorité de son Présidium. Elles constituent un outil d'interprétation, destiné à éclairer la portée des dispositions de la Charte. 14 () Cf. article I-25 « la Commission promeut l'intérêt général de l'Union et prend les initiatives appropriées à cette fin ». 15 () Lorsque seuls certains Etats ont un droit de vote (s'agissant par exemple de coopérations renforcées ou de l'Eurozone), les disposition sur la majorité qualifiée sont adaptées afin que les seuils requis ne soient applicables qu'aux membres du Conseil ayant un droit de vote et à la population de l'Etat membre qu'ils représentent. 16 () La majorité qualifiée devant réunir 65% de la population de l'Union, les coalitions représentant plus de 35% de la population peuvent ainsi bloquer une décision. 17 () Le projet de la Convention prévoyait dans ce cas une majorité qualifiée constituée de deux tiers des Etats membres représentant au moins les trois cinquièmes de la population de l'Union. 18 () Le compromis de Ioannina, adopté sous présidence grecque le 29 mars 1994, est relatif à la recherche d'une solution largement acceptable avant de passer au vote, dès lors que l'on est proche d'une minorité de blocage. 19 () Le traité de Nice interdit en effet le recours aux coopérations renforcées dans le domaine de la défense. 20 () L'article IV-7 prévoit également une consultation de la Banque centrale européen en cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire. 21 () Cf. l'avant-propos de Jacques Delors in Soren Dosenrode, « Les Danois, l'Union européenne et la prochaine présidence », Etudes et recherches n° 18, Notre Europe, juin 2002. 22 () Cf. Nikolaj Petersen, « Le Danemark et l'Union européenne », Cahiers de la Documentation danoise du ministère royal des affaires étrangères du Danemark, novembre 2003. 23 () Cf. discours du Premier ministre danois Anders Fogh Rasmusen à l'université de Copenhague, le 23 septembre 2003, « Conception de la politique européenne active du Danemark ». 24 () Le parti libéral est dirigé par le Premier ministre, M. Anders Fogh Rasmussen. Le gouvernement de M. Rasmussen repose sur une coalition libéraux-conservateurs, minoritaire, à laquelle le parti populaire danois (extrême-droite) a apporté son soutien, sans participer au gouvernement. 25 () Le parti radical (centre) est actuellement dans l'opposition. 26 () Le parti social-démocrate est actuellement dans l'opposition. |
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